Bien qu'il soit impossible de donner des chiffres exacts, en raison du caractère tabou du sujet, les statistiques parlent de 3 000 à 5 000 naissances hors mariage par an. Des chiffres qu'on peut considérer comme inquiétants devant le peu de moyens adéquats mis par l'Etat pour la prise en charge de cette frange de la société. C'est le premier constat tiré de l'intervention de Youcef Antri-Bouzar, président exécutif de l'Association algérienne enfance et familles d'accueil bénévole (AAEFAB), au Forum d'El Moudjahid. Une association, créée en 1985, dont l'objectif est de donner une famille d'accueil pour chaque enfant. En 25 ans d'existence, cette association a placé 2 050 enfants dans des familles d'accueil. À première vue, l'interrogation qui s'impose est de savoir pourquoi ce peu d'intérêt devant les milliers de naissances extra- conjugales ? “Tout simplement, les capacités d'accueil qui ne sont que de l'ordre de quarante places dont disposent les deux centres de Palm-Beach (Alger) et Hadjout (Tipasa)”, répond le président de l'association. En plus de ce problème, se pose également la problématique du personnel compétent qui fait cruellement défaut. Il n'y a pas d'assistantes sociales qualifiées, les filles bénévoles n'ont aucune formation sans oublier que parmi ces enfants, il y a des handicapés lourds nécessitant une prise en charge particulière. Pour ces derniers, fait-on savoir, nous sommes obligés de les séparer des autres enfants. L'association à caractère bénévole ne disposant que de moyens modestes ne peut, en conséquence, faire face à des exigences dépassant ses capacités. Pourtant, il arrive souvent qu'elle intervienne dans des cas de placements dits “judiciaires”, c'est-à-dire, lorsque l'enfant fait l'objet de maltraitance. L'association, qui est sollicitée aussi par des familles d'accueil algériennes vivant à l'étranger, bute toutefois sur la bureaucratie de la DAS qui reste son unique interlocuteur officiel. “Des familles vivant en Algérie ou à l'étranger attendent depuis plus de deux ans pour accueillir un enfant. Le dossier pour la kafala (adoption) met beaucoup de temps. N'est-il pas temps que les services compétents et les théologiens mettent un terme à cette pratique en allégeant les textes régissant ce volet ?”, sont autant de contraintes notées lors de cette table ronde. D'autres intervenants ont abordé la question du devenir de ces enfants une fois qu'ils ont atteint l'âge de la majorité. “Des filles mères, des délinquants, des drogués, des repris de justice”, serait-on amené à répondre, à moins d'une prise en charge sérieuse. Pour cette association, il serait temps d'opter pour une intégration totale de l'enfant dans le livret de famille en gardant évidemment la mention de la kafala. Le ministère de la Solidarité et celui délégué à la Famille sont, de ce fait, interpellés pour des campagnes de sensibilisation et de prise en charge de ce volet important. Le nombre d'enfants abandonnés dans les rues de la capitale et des grandes villes du pays croÎt d'année en année. ALI FARÈS