C'est en mettant les pieds pour la première fois en Guyane à la recherche de ce qu'a été le terrible exil de centaines d'Algériens déportés au bagne de Cayenne que j'appris l'existence d'un autre petit pays, le Surinam dans cette corne de l'Amérique Latine, situé entre le Guyana (ancienne colonie anglaise) et la Guyane française actuellement. Naturellement, cela me parut évident de traverser la proche frontière séparée par le fleuve Maroni, à la découverte de Paramaribo, capitale de ce petit Etat. Le Surinam, à première vue est bien différent de la Guyane. Ancienne colonie néerlandaise, ce pays a obtenu en douceur le 25 novembre 1975 son indépendance des Pays Bas, s'en suivit hélas, comme souvent ailleurs, d'incessants affrontements entre factions politiques rivales autrefois unies contre le colonisateur, par la suite, avides toutes de pouvoir et d'ostracisme. Ces affrontements ont débouché en 1980 à l'instauration d'un régime militaire despotique. Le pays a, alors, vécu reclus sur lui-même et les sirènes de l'insécurité ont longtemps retenti l'enfermant dans la solitude et l'inertie. Depuis, avec le retour de la stabilité et de la démocratie il y'a environ 10 ans, le Surinam renaît de ses cendres, étrillant les vieux oripeaux de la tyrannie contre les oriflammes de la liberté. Désormais Paramaribo, surnommée Parbo par les habitués se targue d'être une des villes les plus animées de la côte Est de l'Amérique latine. Elle attire de nombreux touristes d'Europe et d'Amérique confondus. Paramaribo est à la fois coruscante et bigarrée. On peut y venir pour le shopping, très intéressant en convertissant l'euro ou le dollar en monnaie locale mais aussi pour le dépaysement, à la découverte des cultures amérindiennes, d'un rythme de vie hybride qui trouve à la fois son essence en Europe, à Amsterdam et puise sa sève des fonds excitants d'Amazonie. On est vraiment étonné de voir comment cette société multiple a su élaborer un tissu social et culturel solide à partir des origines diverses et cosmopolites de ses membres. Le mélange des genres qu'on croirait détonnant ailleurs est tout le contraire ici. Symbiose, harmonie et délectation se conjuguent à tous les temps. Lorsqu'on flâne dans Paramaribo, il est difficile de savoir dans quelle partie du monde on se trouve. L'Afrique, l'Asie, l'Orient sont très présents alors que nous sommes pourtant en Amérique du Sud. Les étals des marchés sont parés de toutes les couleurs chaudes de l'Afrique, la cacophonie des bus et des receveurs aussi espiègles et dangereux que les nôtres tortillant dans des rues plus sinueuses que les nôtres, nous transportent en raison de leur teint dans une métropole indienne bien connue tandis que les façades des maisons nous rappellent la présence indélébile d'un pays nordique, en l'occurrence la Hollande. Cette diversité ethnique est principalement due aux vagues successives de migration. Dès 1873, les propriétaires terriens organisèrent l'immigration d'hindous extraits des Indes anglaises. Le mahatma Ghandi ordonna en 1916 de cesser cette immigration d'exploitation ce qui poussa alors les colons à se tourner vers les comptoirs encore sous domination hollandaise, entre autres l'Indonésie, pour poursuivre la colonisation du Surinam. Tous les édifices religieux cohabitent dans cette petite partie du monde, un temple hindou expose ses symboles colorés dont l'inattendue Svastika sur son fronton. J'avais oublié que ce graphisme symbolisait chez les bouddhistes et les hindous la pureté et l'éternité avant qu'il ne soit détourné par les nazis pour en faire leur emblème. Plus loin une synagogue a comme vis-à-vis une mosquée, tout un symbole ! La mosquée Amadya, est considérée comme la plus grande mosquée d'Amérique du Sud. Elle se situe le long de la Keizerstraat. Sans oublier la cathédrale St Paul entièrement en bois et récemment rénovée, les Surinamiens disent que c'est le plus grand monument en bois d'Amérique du Sud. Flânerie À Parbo Paramaribo distille un charme enivrant qui n'est pas sans rappeler la Louisiane américaine. Cette ville raconte avec une persuasive douceur, à chaque coin de rue, le mûrissement réussi de multiples cultures, le confluent de nombreuses civilisations partagées. La ville est un enchevêtrement de maison en bois aux façades chamarrées mêlant indistinctement style créole, architecture nordique et urbanisme contemporain. En 2002, la ville a été inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco. Les autorités locales ont alors redoublé d'effort pour la préserver, la restaurer et conserver son particularisme, tout un programme que nous devrions méditer pour notre pauvre Casbah. Le commerce maritime de Parbo a dans le passé fait sa richesse et a poussé notables et marchands à s'y installer. De fantastiques demeures en briques rouges, importées autrefois des navires marchands en guise de ballast, ont servi à bâtir le cœur central et les principaux édifices de la ville. Une balade au centre ville vous conduira inéluctablement sur les terrasses du Waterkant, ombragées d'amandiers centenaires. C'est le lieu préféré des habitants de la ville. Une multitude de cafés, pubs et restaurants tapissent la longue rue cernée de majestueuses demeures au bord de l'eau. On peut y manger les spécialités du Surinam le Bami ou Nassi, une sorte de riz de couleur brun, bien assaisonné servi avec de fines tranches de concombre mariné dans du vinaigre piquant accompagné d'un fricassée de viande ou de poulet. Les loempias nous rappellent nos boureks, même si j'avoue que rien ne remplace les nôtres. De la terrasse d'un de ces restaurants, on peut voir au milieu du fleuve l'épave décrépie et rouillante d'un navire allemand sabordé par son propre capitaine durant la Seconde Guerre mondiale. La vie semble douce et aussi loin que notre regard se porte à l'horizon, Parbo nous renvoie l'image d'une ville heureuse. On se laisse alors emporter dans le temps, imaginant ce qu'elle fut les siècles derniers, scrutant cette jetée de fleuve témoin de l'étendue du trafic maritime et de l'essor d'une ville bâtie pour ne pas être méconnue. Aujourd'hui, de gigantesques cargos polluants croisent cette rive fluviale et continuent de charrier les richesses du Surinam. Cette brève visite du Surinam et de Paramaribo m'a instruit, il n'y a pas de petit pays et encore moins de petit peuple mais sûrement il y a de petits dirigeants. Les Surinamiens n'ont certes pas de pétrole comme nous, pas beaucoup de richesses, et ont connu la guerre civile il n'y a pas si longtemps mais ils sont décidés à se relever. C'est une très belle histoire que nous conte ce peuple humble dans la quiétude et la simplicité. N. B.