Le congrès du Parti communiste de l'île rebelle, qui a terminé ses travaux mardi, a décidé deux mesures qui ont certainement donné l'urticaire à l'icône toujours vivante de la révolution cubaine. Fidel Castro a dû se plier devant son cadet de frère, Raul, un octogénaire, qui dirige le pays depuis des années et qui a décidé de frapper le grand coup pour essayer de contenir l'autre révolution qui guette le pays, celle-là d'ordre démocratique. Raul, qui a toujours été pragmatique, contrairement à son frère Fidel, le concepteur du castrisme, avait placé le Congrès sous le signe de la “correction des erreurs commises au cours des cinq décennies de la construction du socialisme”. Pas moins que ça, le procès en règle du castrisme en deux heures sans langue de bois ni formalisme révolutionnaire. Lifting par le rajeunissement de la chaîne de responsabilités. Out les caciques et facteurs de l'immobilisme et du dogmatisme. Le président Hugo Chavez du Venezuela est courroucé, il se retrouve maintenant seul à défendre l'ex-sacro-saint principe des autocrates qui avait établi que les populations n'avaient besoin que de pères providentiels. Ce qui revient à dire qu'ils sont immatures ! Une posture que partagent par ailleurs tous les régimes arabes, chassés et/ou en voie de l'être, par le Printemps révolutionnaire arabe. Raul Castro a fait adopter par le sixième congrès du PCC la limitation des mandats politiques ! Deux tours de manège de cinq ans également pour le président de la République. “Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait limiter à un maximum de deux périodes consécutives de 5 ans la durée des mandats politiques fondamentaux”, a annoncé Raul. Une mesure à laquelle les Cubains ne pouvaient même pas rêver lorsque le régime castriste était à la mode. Ce qui a mis hors de ses gonds Chavez, lui le “fils spirituel du castrisme” qui voulait justement un nouveau mandat pour continuer sa révolution bolivarienne. Et pour accompagner les changements politiques de son pays, Raul a également annoncé 311 mesures économiques qui vont progressivement ouvrir l'économie de l'île au libéralisme. Les réformes annoncées, selon l'expression officielle, “d'actualiser” le modèle socialiste sous peine de banqueroute, vont se traduire par l'ouverture de l'économie à l'initiative privée, l'autonomie des entreprises de l'Etat et l'ouverture au capital étranger. Des suppressions d'emplois dans le secteur public sont mêmes annoncées. Une hérésie dans ce pays qui depuis sa fondation, il y a cinquante-deux années, brave les Etats-Unis, son voisin et tout ce qu'il représentait, au réel comme en symboliques. Ce sixième congrès du PCC coïncidait avec le cinquantième anniversaire de la bataille de la Baie des cochons qui a vu les forces castristes repousser la tentative d'invasion américaine. Pour le fun, un défilé à la socialiste a ouvert les travaux du PCC dans les rues de La Havane. À Cuba même, la dissidence n'en revient pas. L'économiste Oscar Espinosa Chepe, ex-prisonnier du “Groupe des 75” dissidents condamnés en 2003, reconnaît que la recommandation de Raul Castro de limiter la durée des mandats politiques est une nouveauté, même s'il la juge “très tardive”, ajoutant que le combat des Cubains démocrates se poursuit pour remettre en question le monopole du Parti communiste, le seul autorisé dans l'île. Pour Elizardo Sanchez de la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation nationale, les annonces de Raul Castro ne contribueront pas à l'amélioration des droits civils et des libertés à Cuba. Reste que la mesure qui a le plus retenu l'attention de la population cubaine est la suppression de la “libreta”, le carnet de rationnement qui permet depuis 1963 aux Cubains de se procurer des produits de base à des prix subventionnés. Le socialisme distributif est fini. Pour leur avenir économique, les Cubains pensent que c'est le saut dans l'inconnu.