“La plus belle voix du monde”, selon Sting. Une voix à émouvoir même un bourreau qui découpe les têtes à la chaîne. Mais si la voix est unique, Mami aussi l'est. Pas toujours dans le sens de sa voix. Il la prend même à contre-pied cette voix superbe qui aurait mérité une tête à sa hauteur. Non pas que Mami est un crétin. Bien au contraire. C'est un homme intelligent, très sympathique et chaleureux. Je l'ai vu une seule fois autour d'un café – juré, ce n'était qu'un café – et j'ai été conquis par sa simplicité. Et sa spontanéité. Je me suis dit alors que si ce prodige n'est pas encadré et bien pris en charge, la voix risque de pâtir des écarts de l'homme. Car sans instructions, sans expérience de la communication et du showbiz, Mami est aussi bien la proie des requins guettant de la chair tendre comme la sienne que de ses propres pulsions et emballements. On l'a d'abord vu comme porte-parole du président Bouteflika en convalescence à l'hôpital du Val-de-Grâce. Dans ce rôle de communicateur qui lui va comme un cache-sexe irait à un imam officiant la prière du vendredi, il était franchement déplacé. Mami en gourou de la communication, Mami en Seguela algérien, cherchez l'erreur. Lui l'enfant sage et pauvre de Saïda, pourquoi se fourvoie-t-il dans cette sphère où les voix ne sont pas comme la sienne, douce et si émouvante ? Rauques sont les voix et rocs sont les hommes. À la même période, sautant de la communication politique à la tentative d'avortement par violence de son ex-compagne, une photographe française, il se retrouve poursuivi en justice. Fort sans doute du privilège de son carnet d'adresses qui compte beaucoup de décideurs en Algérie, par effet de transfert, il pense être comme eux : non justiciable. Il escompte leur soutien et leur protection. Il pense être au-dessus des lois comme tant d'autres. Il a simplement oublié deux choses que la fréquentation des grands lui a fait perdre. La première est qu'il n'appartient pas à la caste du pouvoir. Il n'est qu'une voix, parfois un porte-voix. La seconde est qu'il s'est attaqué à une Française. ça aurait été une Algérienne, la pauvre, l'affaire aurait été camouflée, la fille brisée et Mami n'aurait connu d'autre prison que celle de sa propre conscience. Et on n'aurait rien su. Il aurait continué à chanter l'amour alors qu'il voulait tuer l'enfant de l'amour. Mais enfin, à chacun sa conception de l'amour. Dans le showbiz, certains l'aiment show, d'autres mort. Eros, thanatos. Condamné à 5 ans de prison, il en purgera deux avant de bénéficier d'une liberté conditionnelle en mars 2011. Mais auparavant, à l'ombre des hauts murs de la prison, il gratifiait de temps en temps les codétenus et même les matous de sa voix divine. Il était devenu la star de la prison, enchantant les uns et les autres par sa voix, mais aussi par sa gentillesse et son grand cœur. Loin de sa cour, loin des sirènes aguicheuses, loin des trompettes de la renommée, il était devenu l'enfant sage de Saïda qui nous a ébloui une nuit d'été 1982 avec la reprise de la chanson El-Marsam. Mais depuis, que de chemins parcourus à bride abattue ! Chemin de roses, chemin de gloire, chemin d'épines. À 47 ans, Mami est à moitié vie. Il lui reste à emprunter le chemin de la maturité. Et de laisser sa voix faire le reste. Tel un tapis volant, elle le portera très loin. Il regardera de haut ses propres dérives. Et de ces expériences sordides, il en fera de l'or. Avec l'or de sa voix. H. G. [email protected]