Des banquiers avaient pronostiqué un développement semblable à celui de la téléphonie mobile en Algérie. Excès d'optimisme ? Plus de six ans après son lancement, la monétique n'est encore qu'aux balbutiements. Pourtant, l'infrastructure du système de paiement de masse mis en place en 2006 fonctionne bien. Après un démarrage contrôlé et mené à son terme en moins de 11 mois, le système de paiement de masse est monté en puissance, de sorte à pouvoir fermer dès le 1er janvier 2010 les 47 Chambres de compensation manuelle des wilayas du pays pour ne laisser qu'une seule à Alger qui tient une réunion par mois, notamment pour l'échange de chèques non normalisés émis avant le 1er avril. Il est vrai qu'en matière d'opérations de retrait, une évolution appréciable a été enregistrée. Mais en matière de paiement, un long chemin reste à faire. Du coup, le ministre des Finances a demandé, hier, lors d'une rencontre au siège de son département, aux banques de “prendre leurs responsabilités et ne pas continuer à avoir une relation passive vis-à-vis du système de paiement”. “L'Etat a fait son travail, maintenant c'est aux banques, en tant qu'entités commerciales, d'avoir une action offensive vis-à-vis des instruments de paiement et des clients”, a-t-il dit. Pour le grand argentier du pays, il appartient aux banques et à leurs relations de promouvoir les instruments de paiement actuellement opérationnels, insistant sur “le grand effort” qui doit être consacré à l'élargissement de la monétique par une installation plus dense de terminaux de paiement électronique (TPE) et une émission plus grande de cartes. “Ce que nous demandons c'est qu'il y ait une politique beaucoup plus offensive, mais que nous fassions simultanément une évaluation, s'il y a des contraintes qui peuvent apparaître” et gêner les banques dans leurs politiques commerciales. “L'idée est de discuter ensemble et de voir quelles sont les difficultés des uns et des autres”, souligne le ministre, laissant entendre que désormais les performances des établissements seront évaluées notamment en fonction du développement de leur clientèle et de l'usage qui sera fait, par celles-ci, des instruments scripturaux. Les chiffres sur l'activité monétique fournis par Mme Nedjla Belouizdad, directrice organisation et sécurité monétique à la Société d'automatisation des transactions interbancaires et de monétique (Satim), révèlent l'étendue du chemin à parcourir. Seulement 3 000 terminaux de paiement électronique (TPE) ont été installés. Le nombre de cartes interbancaires en circulation est passé de 128 356 en 2007 à 783 311 en 2010. Le nombre de DAB interbancaires opérationnels a évolué de 455 en 2007 à 1447 en 2010. L'évolution est extrêmement lente dans ce domaine. En matière de télécompensation, 66 831 opérations pour 40,26 milliards de dinars sont traitées par jour, très loin de la capacité du système qui est de 500 000 opérations/jour. Les chèques (en volume) représentent 46,37% des instruments de paiements télécompensés, selon les prévisions pour 2011. Les virements ne représentent que 25% et les transactions monétiques 27%. Les instruments, comme les effets et les prélèvements sont faibles. En capitaux, les chèques représentent 93,78% des instruments de paiements télécompensés. La prédominance des transactions en cash en est la principale raison. Le recul du gouvernement sur la mesure imposant le chèque pour les transactions de 500 000 DA et plus n'arrange pas les choses. Car au-delà de la problématique des systèmes d'information des banques, le retard dans le développement de la monétique s'explique aussi par la défiance des commerçants par rapport aux instruments modernes de paiement, pour échapper au fisc. “Il faut peut-être obliger légalement les commerçants à accepter la carte de paiement et se doter de TPE”, suggère-t-on. En attendant, les grands facturiers du secteur public pourraient être demain l'élément moteur du développement de la monétique, en permettant à leurs clients d'utiliser la carte. L'expérience réussie sur les stations Naftal est un exemple de plate-forme à amplifier pour booster le paiement par carte.