Sharon a transformé la “feuille de route” israélo-palestinienne en une route du sang. De raids ciblés, voilà qu'il est passé à des attaques massives dans les quartiers de palestiniens suspectés de servir de bases pour Hamas et autres extrémistes de la cause palestinienne. Le Premier ministre israélien a toujours été un extrémiste dans son genre, mais le problème est qu'il continue à agir de la sorte dans l'indifférence de la communauté internationale. À tel point qu'il s'estime même autorisé à rééditer le génocide qu'il avait commis, dans les années 1980, dans les camps palestiniens de Beyrouth (Sabra et Chatila). Si Sharon bombe le torse, c'est qu'il a reçu de la part de Bush toutes les assurances. Embourbé jusqu'au cou en Irak, le président américain a vu d'un bon œil cette nouvelle diversion israélienne. C'est tout bénéfice pour lui qui sollicite un second mandat en 2004. Le soutien des puissants lobbies juifs devrait, à ses yeux, neutraliser le principal thème de campagne des démocrates qui, justement, porte sur son bilan en Irak. En outre, le maintien d'Israël dans son statut de pays enclavé dans un milieu totalement hostile est la cerise sur le gâteau pour l'industrie militaire américaine. Bush a d'ailleurs accordé une rallonge de 1 milliard de dollars à l'aide américaine à Israël qui s'élevait déjà à 2 milliards par an. Plusieurs sociétés américaines d'armements de pointe (engins téléguidés, drones, missiles et alliages de protection) établies en Israël ont fait de ce pays le troisième exportateur d'armes avec le label “testé sur le terrain”. Sharon qui n'avait accepté la “feuille de route” que pour mieux la rejeter a, dit-on, préparé sa propre feuille où serait exclue l'Autorité palestinienne. Shaul Mofaz, le très faucon ministre israélien de la Défense, a conçu, un plan secret de paix prévoyant la remise sous tutelle des Palestiniens sous le couvert d'un “Etat palestinien significatif” comme une alternative à la “feuille de route” mise au point par les Etats-Unis et endossée par l'Europe, plus la Russie et les pays arabes de la région, à l'exception de la Syrie. La reprise de la guerre en Palestine permet également à Sharon de couvrir les scandales que traînent ses propres fils. Omri et Gilad sont soupçonnés de fraude, de corruption et de financement illégal de la campagne électorale de leur père. Les affaires sont entre les mains du tribunal de Tel-Aviv qui observe la cote de popularité de Sharon. D'autre part, la situation est également confuse chez les Palestiniens qui, apparemment, ont perdu de nombreux soutiens sur la scène internationale. L'Autorité palestinienne s'est avérée incapable de sortir de l'ornière. En moins de trois mois, deux chefs de gouvernement se sont succédé pour constater l'immobilisme. Mahmoud Abbas (ouvert à l'Occident) et Ahmed Qoreï (proche de Yasser Arafat) n'ont pas trouvé d'issue à la violence palestinienne qui, selon eux, se retourne toujours contre les Palestiniens. On dit que la vieille garde du Fatah ne veut pas lâcher le morceau, que Yasser Arafat ne veut pas se couper de l'aile islamiste. L'impasse fait le bonheur des islamistes qui appellent sans cesse à un redoublement de violence. Comme Sharon, Hamas ne veut pas de sortie de la guerre. Alors la guerre d'usure va se poursuivre jusqu'au moment où les Etats-Unis décideront de bouger. L'Europe est divisée et les Arabes ne peuvent même plus faire état de leur stupeur. D. B.