Sonatrach, la société de toutes les sociétés, celle qui devrait donner l'exemple de la cohésion, de la bonne conduite et de la réussite, n'a jamais été aussi décriée depuis l'éclatement au grand jour de la série d'affaires de corruption qui l'ont ébranlée ces dernières années. “Je ne pouvais pas penser un instant, nous dit ce retraité de la société, qui avait passé ses belles années au Sud dans les immenses champs pétroliers, que ceux qui avaient notre confiance et les rênes de la direction étaient des gens corrompus à un tel niveau et qui faisaient passer leurs intérêts particuliers aux dépens des intérêts stratégiques de la société.” Ce sentiment est aussi partagé par beaucoup de citoyens qui ont appris, ébahis, ce scandale du siècle aux ramifications très profondes, non encore entièrement connues. Mais maintenant, ce qui s'était passé était passé. Il s'agit, aujourd'hui, de donner tout l'éclairage sur cette affaire et non pas en s'arrêtant à des boucs émissaires et en épargnant ceux qui avaient la vraie responsabilité, y compris du premier responsable du secteur. Il y a comme un désappointement chez les citoyens à ce qu'un silence total soit imposé et que des barrières infranchissables soient posées dans l'enquête qui a secoué la société. “Du déjà vu” “C'est du déjà vu”, nous dit un avocat, habitué des grandes affaires en faisant allusion à celle de Khalifa dont le procès s'était limité à des directeurs centraux, sans jamais aller trop loin. Certes, des ministres de tutelle ont été convoqués, et même parfois bousculés devant la justice, mais seulement en tant que témoins, sans plus. Il y a comme une sorte d'immunité de nos ministres en exercice en étant intouchables et au-dessus de tout soupçon. C'est donc avec une certaine banalité que le procès annoncé avec beaucoup d'éclat et de grandes surprises, est appréhendé. La tension du début était tombée d'un cran. Toutefois, les Algériens exigent un procès exemplaire, d'autant plus qu'il y a des faits et des preuves sur l'implication dans des affaires de corruption et un manquement flagrant aux devoirs de responsabilité pour les empêcher et éviter à la société des pertes et des dilapidations de deniers publics. Il s'agit ainsi d'appliquer la loi dans toute sa rigueur, de faire un procès équitable et rendre à la société sa crédibilité. “Certes, l'on a réagi à un niveau supérieur en procédant à un changement à la tête de la tutelle et de la société en faisant de nouvelles figures pour sauver la face et tenter de redresser la situation, un code de conduite a même été adopté, des directives données pour revenir à une gestion saine, mais c'est un minimum”, nous dit Me Boulefrad Djamel, un habitué des grandes affaires économiques, en soulignant que la vraie crédibilité est de rendre justice et de bien repartir sur de bonnes bases. Qui nous dira demain, que les mêmes erreurs ne se répètent pas, vu que les vraies causes n'ont pas été traitées à la base. Seul un procès équitable De même, un accent a été mis sur la politique de l'emploi et de la valorisation humaine avec une augmentation des salaires. Bref, il s'agit de redorer le blason et de continuer la bonne marche. Pour clore le chapitre, la tutelle a pris le devant en appelant tout le monde à se conformer strictement au respect de la règlementation en matière de conduite et de passation des contrats, source de tous les maux et convoitises. Pour les autres, c'est-à-dire les affaires de corruption, c'est du passé ou, en l'occurrence, une affaire strictement de justice sur laquelle les responsables n'ont aucune relation, vu que la justice est souveraine. N'empêche que les citoyens ne sont pas dupes. Seul un procès équitable rend véritablement à la Sonatrach sa place et sa crédibilité, nous dit Me Boulefrad. Il faut attendre pour voir. C'est dire que la traversée du désert est encore longue et pleine d'embûches.