“Je m'en allais vers Arris, les yeux fixés sur mes doigts qui à l'horizon se tissaient avec d'autres doigts, pour ramasser les nuages du ciel et les presser sur une terre brisée d'oubli, enceinte d'un grain millénaire, parcheminée de route lointaine, pour que pousse le blé rouge que nos ancêtres avaient promis”. Yamina Mechakra, la Grotte éclatée, novembre 1955. Entamée il y a plus d'une dizaine d'années, la réfection ou l'amélioration sans plus de l'état de la route, qui traverse la capitale chaoui, en l'occurrence Arris, est en souffrance et les travaux semblent être interminables et la seule voix reste l'évitement, réalisé pourtant pour désembouteiller la ville. Aujourd'hui, force est de constater que ça risque de durer encore. Avec ses 34 000 habitants, Arris jouit du grade de commune depuis les années 1950. Plus d'une dizaine de petites et grandes agglomérations sont rattachés à ce chef-lieu et pourtant l'absence d'une réelle zone d'activité (commerce, industrie…) relègue Arris à la position d'un simple village, sans grand intérêt où l'état des voies de communication totalement détériorées, qui a connu une légère amélioration lors de la décennie passée, a grandement contribué à l'isolement d'une région, autrefois, fief du déclenchement de la guerre de Libération et pays natal d'un des principaux artisans du 1er Novembre 1954, à savoir Mustapha Ben Boulaïd. Une léthargie chronique En l'absence du président de l'Assemblée populaire communale, nous sommes orienté vers le bureau du secrétaire général, M. Belbacha qui nous reçoit sans protocole en présence de l'un des ses collaborateurs. Au lieu du classique questions/réponses nous convenons d'un débat ouvert. “Ce n'est point pour être pessimiste, mais la réalité nous oblige à dire que notre commune et les agglomérations qui lui sont rattachées ne se portent pas bien, même si c'est relatif. Prenez l'exemple de la santé, nous ne sommes pas aux normes, il n'y a pas un centre hospitalier universitaire à Arris, et ce, en dépit de l'importance du nombre de la population. Arris est la deuxième plus grande agglomération, au niveau de la wilaya de Batna, après Barika. Autre exemple douloureux, la mort lente mais certaine du plus grand cours d'eau dans les Aurès, en l'occurrence Ighzar A Melal (el-oued labiod). Aussi bien les canalisations des eaux usées que les décharges sauvages, sans parler des différentes stations de lavages – graissage... Tout se déverse dans l'oued, en toute impunité. Cela fait une vingtaine d'années que nous entendons parler d'une station d'épuration, mais le projet n'a jamais quitté les maquettes et les bureaux d'études. Mais nous ne perdons pas espoir, après tant d'années d'attente, le projet de cette station d'épuration va être relancé en 2012”, dira notre interlocuteur. Un tour en ville et les quartiers limitrophes donne amplement raison à ce dernier. Des décharges sauvages à même le centre urbain, complètement défiguré et avili par tant de saleté et de détritus. L'oued où jadis, à peine une dizaine d'années coulait une eau limpide, dégage une odeur nauséabonde et insupportable et pour cause, aucune fosse septique n'existe, hormis les quelques conduites vétustes et qui déversent anarchiquement. Une pseudo-zone industrielle fantôme ou pas âme qui vive, mitoyenne à un nouveau centre d'enfouissement technique, qui gagne du terrain et se rajoute à la laideur des lieux. Entre deux cafés… un café ! Les Arrisois semblent êtres pénalisés, côté loisir, et n'ont pas trop le choix. Pas de piscine, pas de parc d'attractions, pas d'espace de jeux, reste un choix forcé, les cafés, et ce n'est pas ce qui manque. D'ailleurs, la cité s'est forgée une solide réputation de ville aux mille et un cafés. Loin du brouhaha et de l'atmosphère des débits de boissons pollués, des citoyens s'accrochent à leur lopin de terre, riverains du cours d'eau Ighzar Amlel, quelquefois à quelques mètres seulement du lit de l'oued (thamourth). Amar Barki, universitaire par le diplôme, fellah par la pratique et la nécessité, comme il se plaît à le dire, fait partie des petits cultivateurs et arboriculteurs qui refusent l'appel des sirènes de l'oisiveté. Il est présent dans son jardin au lever du jour, c'est le moment de traiter les pommiers. “Avons-nous le choix ? Non. Si nous ne travaillons pas la terre et malgré son ingratitude, c'est la misère qui nous attend. Nos parents ont cru un moment, après avoir chassé le colonisateur, que la dèche était derrière, malheureusement ce n'est pas le cas, nous continuons à subir les affres de la vie, en dépit du lourd tribut, versé durant la guerre de Libération. La ville ne boit pas à sa soif et nous sommes en 2011. Le branchement de la région aux conduites du barrage de Koudiet Lemioudaouer dans la région de Chemora, tarde à venir, et vous pouvez remarquer, des citoyens de tous âges et des deux sexes, avec des jerricans à la quête du précieux liquide. Est-ce cela la capitale de Ben Boulaïd ? Je ne le pense pas”, dira-t-il. Le traditionnel café (encore) avec les citoyens, tourne à l'attroupement, des certains qui ont voulu nous rencontrer. L'aménagement des quartiers de la ville qui est restée village 50 ans après l'indépendance, l'aménagement et la réalisation du complexe sportif de Tzouket tant et tant promis, par les autorités, la réalisation de la station d'épuration des eaux usées, la réouverture de la route principale de la ville, sa fermeture pour des travaux dure depuis plus de 10 ans et les citoyens sont lourdement pénalisés… Beaucoup d'amertume dans les propos des Arrisois, il n'était pas possible d'entendre l'opinion et l'avis de tout le monde car une bonne partie de la population reste sans voix, ce qui rajoute au drame de toute une population, qui ne sait pas, comment se prendre en charge.