Six mois après la chute de Moubarak, la transition paraît incertaine en Egypte. La guerre civile menace ! De violents affrontements entre partisans et adversaires des militaires ont éclaté samedi au Caire, malgré des déclarations de l'armée qui a cherché à apaiser les critiques sur la lenteur des réformes en renouvelant son engagement en faveur de la démocratie. Le maréchal Hussein Tantaoui, à la tête du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui tient les rênes du pays, a une nouvelle fois promis de créer les “piliers d'un Etat démocratique défenseur de la liberté et des droits de ses citoyens”. Mais il n'a pas donné plus de précisions sur les ces prochaines élections parlementaires “libres et justes”, la nouvelle constitution “démocratique” et la tenue d'une élection présidentielle “ouverte”. Malgré ces déclarations, des manifestants ont tenté de se rendre devant le ministère de la Défense et siège du CSFA, en scandant “à bas le pouvoir militaire”. De violents affrontements avec jet de pierres et de cocktails Molotov ont alors éclaté entre les manifestants et des civils favorables à l'armée, sans que les militaires n'interviennent. Des blessés en nombre indéterminé ont été évacués par des ambulances. Malgré ses déclarations répétées en faveur de la démocratie et le soutien populaire dont elle a bénéficié pendant le soulèvement de janvier et février, l'armée est aujourd'hui de plus en plus critiquée. Ministre de la Défense de Moubarak pendant vingt ans, Tantaoui a été personnellement mis en cause par les militants qui occupent la place Tahrir au Caire depuis deux semaines et manifestent dans d'autres villes du pays. La place Tahrir a repris du service depuis vendredi après l'annonce d'un remaniement gouvernemental jugé insuffisant par les acteurs de la chute de Moubarak. Par contre, les islamistes ont eux manifesté contre les acteurs de la Révolution du Nil au nom de la “stabilité” ! Ce qui conforte la thèse selon laquelle les islamistes seraient plus que satisfaits de la voie que les militaires au pouvoir souhaitent imprégner à l'Egypte post-Moubarak. Des milliers de personnes étaient donc réunies vendredi en début d'après-midi sur ce grand carrefour du centre de la capitale égyptienne, dont une partie a passé la nuit dans un village de tentes, pour dénoncer le jeu de la hiérarchie militaire, le pouvoir réel, qui s'évertue à imposer des membres de l'ancien régime, et exiger plus de justice sociale, le renvoi de dignitaires et hauts responsables liés au régime déchu de l'ex-président Hosni Moubarak, le jugement des policiers responsables de violences, et la fin de l'utilisation des tribunaux militaires pour juger les civils. Quant à la manifestation parallèle à celle des protagonistes de la nouvelle Egypte démocratique et moderne, elle s'est déroulée dans un autre quartier de la ville pour réclamer la “stabilité”, mais aussi insister sur “l'identité islamique” de l'Egypte. Organisée par les islamistes, des salafistes et des Frères musulmans, la contre-manifestation a donné le visage de ce que ces derniers revendiquent pour “Oum dounya”. Leur réunion s'est déroulée devant le parvis d'une mosquée. “Nous sommes des musulmans, nous faisons partie de ce pays. Mais eux, (ndlr les gens de la place Tahrir) qui sont-ils? Des laïques? Des communistes? Des Américains?" a scandé au micro leur orateur fétiche. Les islamistes ont aussi appelé l'armée, qui dirige le pays, “à ne pas perdre le peuple pour plaire à cette minorité”, toujours en référence aux manifestants de Tahrir. Les islamistes, dont la puissante organisation des Frères musulmans, appellent à une manifestation vendredi prochain à Tahrir, toujours sur le thème de la “stabilité”. Bras de fer en perspectives avec cette provocation islamiste. Les Frères musulmans, arrivés sur le tard dans la nouvelle révolution égyptienne, ont pris leurs distances avec la place Tahrir avant de la rejoindre le 8 juillet dernier pour faire pression sur le pouvoir, pour ensuite s'en détacher ! C'est le propre du jeu politique islamiste. Dans la réalité, ces derniers ont fait le choix de soutenir les manœuvres de l'armée qui cherche à empêcher l'avènement d'une Egypte démocratique selon les canons universels. Jeudi, un nouveau gouvernement de transition a été investi, à la tête duquel Essam Charaf conserve son poste de Premier ministre. Plus de la moitié des portefeuilles ministériels sont attribués à de nouveaux ministres, mais plusieurs personnalités proches du régime Moubarak conservent leurs postes, comme le ministre de l'Intérieur Mansour Issaoui. Le nouveau gouvernement est toujours placé sous la tutelle du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak le 11 février, lequel est en état d'arrestation dans un hôpital de Charm el-Cheikh, sur la mer Rouge, où il est soigné suite à des problèmes cardiaques. Son procès doit s'ouvrir le 3 août prochain.