Et de deux ! Après Ben Ali, c'est au tour de Moubarak de rendre compte de sa dictature et de la mise à sac de son pays. Son procès doit retenir plus d'attention que celui de son homologue tunisien tenu en l'absence du tyran-prédateur de Monastir qui a trouvé refuge dans le pays des wahhabites. L'ancien maître de l'Egypte sur le banc des accusés et en sa présence. Une première dans le monde arabe que ce procès d'un président soutenu par Israël, les grandes puissances et la Ligue arabe qu'il considérait comme une simple antenne égyptienne, craint par son peuple et adulé voir déifié par ses fidèles et l'armée dont il avait choisi personnellement la hiérarchie, à commencer le vieux maréchal qui préside le Conseil suprême de l'armée, l'institution chargée de bâtir l'Egypte post-Moubarak ! Son procès commence aujourd'hui. Balayé en février par les manifestations du " printemps arabe ", l'ex Rais, comme il aimait se voir appelé, comparaît pour des accusations de corruption et de meurtre, ce dernier chef étant passible de la peine de mort. Les onze prévenus sont poursuivis pour les mêmes charges : ordre de tuer les manifestants de Tahrir et détournement de fonds publics. Suprême humiliation pour l'ex pharaon : sur le banc des accusés, il côtoie ses fils Alaa et Gamal. Dans le box également, son ancien ministre de l'Intérieur Habib el-Adli et six responsables de la sécurité. L'homme d'affaires Hussein Salem, très proche des Moubarak, sera lui jugé par contumace. Il avait compris que les carottes étaient cuites lorsque les Egyptiens avaient investi Place Tahrir. L'armée a cédé devant les exigences des " Jeunes du 6 avril " et les autres associations du mouvement pro-démocratique à l'origine du soulèvement de janvier. Son transfert au Caire était l'une des principales revendications de manifestants qui sont redescendus sur la place Tahrir, emblématique de la révolte au Caire, pour dénoncer la lenteur des procédures judiciaires contre les anciens responsables et des réformes. Le procès des Moubarak se tient donc Caire, à l'Académie de police, pour des raisons sécuritaires, selon l'armée. Celle-ci, à la tête du pays, reste peu enthousiaste à l'idée d'humilier davantage son ancien chef. Si Moubarak est reconnu coupable d'avoir provoqué la mort des manifestants de manière préméditée, il pourrait être exécuté et pendu. S'il n'y a pas eu préméditation, il sera condamné à la prison à vie. Les dirigeants arabes, tous en sursit car de la trempe des Ben Ali et Moubarak auraient également souhaité ne pas voir ce procès. Comment ne pas y voir une victoire hautement symbolique de la révolution populaire égyptienne, propre à encourager d'autres peuples arabes à maintenir la pression contre leur régime despotique et à se révolter ? Les islamistes, Frères musulmans et salafistes ont également manœuvré pour que le procès soit reporté à une date indéfinie, sinon qu'il se tient loin du Caire! Ennemis d'hier, ces mouvements travaillent main dans la main avec l'armée. Ils ont fait une démonstration de force sur la place Tahrir, ce vendredi pour essayer de chasser les jeunes révolutionnaires démocrates et libéraux. Vaine tentative qui a montré que les islamistes n'ont pas gagné d'autres voix après la révolution qu'ils ont rejoint sur le tard. C'est une force tout au plus de 25%, selon les observateurs avertis. D'ailleurs, leur subite alliance avec les militaires c'est surtout dans l'espoir de gagner des points. Pour autant, les acteurs de la révolution du Nil restent en alerte. En effet, il n'est pas certain que Moubarak se présente au tribunal. Avec des informations sur sa santé, confuses et contradictoires, le juge pourrait être tenté de se dérober. La semaine dernière, le ministre de la Santé a déclaré que Moubarak était en bonne santé et en état d'être transféré au tribunal. Une source médicale l'a tout de suite contredit précisant qu'il était déprimé, qu'il refusait de s'alimenter et qu'il il est devenu très faible. Et le ramadhan n'arrange pas les choses. Le même juge pourrait aussi reporter le procès pour motif religieux. 600 personnes sont attendues à l'ouverture du procès dont toutes les audiences devraient être retransmises en direct à la télévision. Des dizaines de ministres, de responsables et d'hommes d'affaires associés à l'ancien régime sont actuellement derrière les barreaux dans l'attente de leur procès. Plusieurs ministres ont déjà écopé de peines de prison dans des affaires de corruption.