Quand les dégâts se limitent au porte- monnaie, on peut considérer que c'est digérable. Mais quand, c'est la bonne foi ou la foi tout court de la personne qui est en jeu, on n'est plus dans l'arnaque malicieuse destinée à dorer la pilule, on est dans l'immoralité dans ce qu'elle a de plus sordide et de plus poisseux. La flambée de religiosité, un peu comme celle des prix, qui s'empare soudainement des Algériens pendant le mois de Ramadhan, est parfois trop belle pour être authentique. Elle tient plus de la bondieuserie ostentatoire qui cache des comportements souvent douteux. Ce sont les commerçants, pas tous heureusement, qui excellent à ce jeu de Tartufe avec cette faconde toute imbibée de moralité facile pour mieux arnaquer le client pigeon, que les tourments de la faim rendent aveugle. Mais il y a arnaque et arnaque. Quand les dégâts se limitent au porte- monnaie, on peut considérer que c'est digérable. Mais quand, c'est la bonne foi ou la foi tout court de la personne qui est en jeu, on n'est plus dans l'arnaque malicieuse destinée à dorer la pilule, on est dans l'immoralité dans ce qu'elle a de plus sordide et de plus poisseux. Et c'est certainement le cas de ce réseau de trafiquants de Bir El-Ater, qui n'ont pas trouvé mieux, pour mettre du beurre dans leurs épinards, en ce mois de Ramadhan, que de commercialiser la viande d'âne, transformée en viande hachée et mélangée avec de la viande bovine. Ainsi, de nombreux pauvres baudets, dont les squelettes équarris sont abandonnés dans la nature à Tébessa, sont déjà passés à la moulinette. Le phénomène n'est pas nouveau. On s'en souvient l'année dernière, c'était au marché d'Ali-Mellah, au Champ-de-Manœuvre, où des merguez à base de viande d'âne étaient proposées à bon marché. “Koul ya guelil !” Jusqu'où l'appât du gain peut pousser des gens. Ni morale, ni religion, dont cette engeance d'individus se drapent souvent, ne résistent à leur envie compulsive de ramasser de l'argent. Peu leur importe qu'il soit sale. D'autant qu'ils croient pouvoir se blanchir après, en effectuant des pèlerinages et des omras. Ce type de phénomène, qui nous renseigne sur le degré de déliquescence morale de notre société, parce qu'il est souvent le fait des adultes, interpelle au premier chef la mosquée. Les imams, au lieu de consacrer leurs “dourouss” à des problématiques eschatologiques, feraient aussi bien de sensibiliser les fidèles sur cet inqualifiable comportement qui consiste à courir derrière l'argent sans une once de scrupules.