L'arrivée des commerçants chinois sur le marché national soulage les petites bourses, notamment dans le prêt-à-porter où des bazars se sont installés à ciel ouvert. Sans attendre la “traditionnelle” ouverture des soldes à Oran, les consommateurs se ruent littéralement sur les ventes des vêtements, des chaussures, des meubles et autres appareils électroménagers. Ces ventes relativement à bas coût permettent aux familles de faire de bonnes affaires et aux commerçants traditionnels de déstocker leurs invendus. Certains enregistrent leur plus forte activité sur cette période. C'est le cas de certains magasins de prêt-à-porter détenus par des Chinois. “Le chiffre d'affaires que nous réalisons en décembre et en janvier est multiplié par trois par rapport à deux mois normaux”, assure une commerçante pékinoise récemment installée aux “arcades” de la rue Larbi-Ben-M'hidi. Les soldes, terme galvaudé et servi à toutes les sauces, livre ses secrets grâce à l'explication d'un professionnel du prêt-à-porter : “Seuls les produits entrés en stock et payé par les commerçants plusieurs mois avant les soldes pourront bénéficier de cette appellation.” Mais en l'absence d'un code de consommation régissant les périodes des soldes, les commerçants de l'empire du milieu “provoquent” des soldes à tout bout de champ. Ce sont les Chinois qui semblent donner l'hallali pour le lancement d'une période faste en soldes et en bonnes affaires. “Normalement, les périodes des soldes sont au nombre de trois par an et doivent être fixées par décision de la wilaya”, ajoute notre interlocuteur. D'un point de vue juridique, les soldes sont définies comme des ventes accompagnées ou précédées de publicité annoncées comme tendant par une réduction de prix à l'écoulement des marchandises en stock. Ce qui n'est pas le cas pour une majorité de commerçants qui “cassent” les prix au grand dam de leurs collègues. À M'dina J'dida, poumon économique de la ville d'Oran, les temps sont durs pour les commerçants installés ici depuis de très longues années. L'envahissement lent mais non moins mesuré des Chinois brouille les cartes des commerçants les plus avertis. “Les Chinois ont vite compris que la quantification des bénéfices se résume en deux mots : surabondance de marchandises et prix cassés à longueur d'année”, affirme un ancien commerçant à M'dina J'dia. Ce dernier nous parle du “ventre d'Oran” au passé composé. “Nous avons toujours tenu boutique à M'dina J'dida où nous vendions des costumes traditionnels. Pour des raisons pratiques, nous avons dû céder notre magasin au plus offrant, car il était impossible pour nous de continuer”, explique-t-il le vague à l'âme. En effet, plusieurs boutiques ont changé de propriétaires au profit des Asiatiques qui renforcent leur présence par une quantité de marchandise, sans cesse renouvelée, noyant ainsi le marché local. Les marchandises en tous genres proviennent directement de Shanghai, des pays du Golfe mais aussi des pays du Sud-Est asiatique. Des conteneurs entiers sont quotidiennement débarqués au port d'Oran. Ainsi, ces commerçants d'un genre nouveau obligent leurs désormais homologues algériens à suivre le rythme des abattements des prix de vente au risque de disparaître. C'est d'abord la présence des milliers de travailleurs chinois à Oran qui a incité les investisseurs du pays de Mao à s'installer à Oran. Ces derniers ont vite assimilé les méthodes de travail de leurs confrères, mais dans la pratique, les honorables descendants des Hun et des Ming semblent surpasser à présent les autres commerçants. M'dina J'dida, véritable haut-lieu de commerce “mythique” depuis sa naissance en 1845, s'ouvre aux innombrables Chinois de la Cité interdite. Le moindre petit mètre carré est cédé à prix d'or. Mais ce sont les femmes chinoises qui détiennent des commerces de bonneterie et de mercerie. “Bientôt, nous serons submergés par le phénomène des délocalisations. Les produits de consommation seront nettement moins chers, mais l'argent se fera plus rare”, prédit un commerçant installé au centre-ville. D'un magasin à un autre, les soldes sont affichées à concurrence de 20 et 50% avec une variante sur les produits cosmétiques made in. À présent, les nouvelles boutiques climatisées et insonorisées font leur apparition au cœur d'Oran où le pullulement des consommateurs n'a d'égal que le volume du portefeuille. C'est un peu le commerce cosmopolite qui s'installe dans les meilleures artères de la ville d'Oran. Dans un bar-restaurant réputé de la ville, il ne reste que des souvenirs aux rescapés de l'ère de Bacchus. Les Chinois ont radicalement transformé les lieux en bazar de prêt-à-porter à la portée de toutes les bourses et pour tous les goûts. Les vendeurs chinois qui s'affairent discrètement derrière les étals de vêtements ont les yeux sur tout ce qui bouge. Nous tentons de marchander un vêtement, question de tâter le pouls de ces infatigables commerçants. “Soldé” à 700 DA, nous demandons un rabais au vendeur qui s'exécute aussitôt dans un français approximatif. Le vêtement marchandé ou soldé nous sera effectivement cédé à 500 DA, avec en prime, un sourire et un “choukran” élogieux. K. Reguieg-Yssaâd