Avec un peu de recul, on s'aperçoit que les derniers débats sur les répercussions en Algérie de la crise des dettes américaine et européenne ont essentiellement porté sur les modalités de gestion de nos réserves de change. Pour ma part j'estime que c'est l'arbre qui cache la forêt. Je dirai pourquoi l'essentiel est ailleurs. Rappelons rapidement les faits générateurs saillants aux Etats-Unis d'abord et en Europe ensuite. Le 5 août 2011, l'agence de notation Standard & Poor's rétrograde la note de la dette américaine de AAA à AA+. Lorsque le régulateur des marchés financiers américains, la “Securities and Exchange Commission” (SEC), relève des erreurs de calcul de 2 000 milliards de dollars ayant conduit à cette dépréciation historique, l'agence en question précise que la vraie cause est d'ordre politique. Elle illustre cela par la difficulté majeure à trouver un compromis acceptable pour les républicains et pour les démocrates sur le rehaussement du plafond de la dette. L'enjeu porte sur l'ampleur et la nature du plan de réduction des dépenses publiques. Mais comment, malgré tout, expliquer l'explosion de la dette publique américaine ? On peut avancer trois facteurs explicatifs : la transformation de la dette privée de la crise des “subprimes” en dette publique pour sauver le système bancaire américain, la reconduction récurrente des baisses d'impôts votées par l'administration républicaine depuis 2001(2 000 milliards de dollars), le financement des guerres d'Afghanistan et d'Irak (1 300 milliards de dollars).S'agissant du premier facteur cité plus haut, l'Agence fédérale du financement du logement (FHFA) vient enfin de déposer une plainte contre 17 institutions financières dont 7 étrangères pour avoir vendu des titres “pourris” en connaissance de cause entraînant ainsi la crise financière de 2008. Pour autant, et malgré une dette qui s'élève à 14 000 milliards de dollars, la confiance des investisseurs dans les bons du Trésor américain n'a pas été profondément altérée tant la résilience de la première économie mondiale reste prégnante. En témoigne le nouveau projet de relance de 477 milliards de dollars présenté le 8 septembre 2011 au Congrès par le président Barak Obama pour stimuler l'emploi. Cela me conforte dans l'idée que l'abandon du dollar comme monnaie de référence et de dépôt n'est pas pour demain. C'est pourquoi, me semble-t-il, l'option avancée récemment par certains économistes d'une transformation des réserves de change algériennes en euros ne me paraît ni plus sûre ni finalement plus rentable à terme. Cela aussi parce que la crise de la dette s'aggrave singulièrement dans les pays de l'Union européenne (UE) et menace même la pérennité de sa monnaie, l'euro. Examinons ce qu'il en est de façon plus précise. La pression des marchés financiers sur les maillons faibles de la zone euro augmente considérablement (Grèce, Portugal). L'émission d'euro-obligations pour atténuer le choc, en absorbant les risques de défaillances des Etats concernés, se heurte au refus catégorique de l'Allemagne. Déjà le plan de sauvetage de l'UE paraît d'ores et déjà insuffisant pour sauver l'économie grecque. Un ouvrage français récent coordonné par Benjamin Coriat, Thomas Coutrot, Henry Sterdyniak (20 ans d'aveuglement : l'Europe au bord du gouffre, éditions LLL) nous propose trois scénarios de sortie de crise. Le premier scénario, jugé “peu crédible” et même “dangereux” par les auteurs, est celui de l'exécution stricte du plan de l'UE (politiques budgétaires restrictives, mécanismes d'appui financier de l'UE). Le second est tout simplement l'éclatement de la zone euro avec la sortie des pays du sud de l'Euroland. Dans ce cas “l'euro s'apprécierait par rapport au dollar, mais les marchés seraient incités à spéculer contre l'Italie, la Belgique et la France, qui auraient subi une forte perte de compétitivité”. Enfin le troisième, proposé par ces économistes, implique plus de solidarité entre les pays et “une volonté résolue de desserrer l'étreinte des marchés financiers autour des peuples”.Mais le tout est de savoir comment ? À l'aune de cette situation monétaire internationale problématique y compris au Japon, je conclurai par trois éléments qui auront un impact direct sur les perspectives de croissance de l'Algérie. D'abord les effets immédiats de ces dettes américaine et européenne se traduiront par moins de croissance mondiale et donc des prix des hydrocarbures plutôt orientés vers la baisse couplés à un taux de change déprimé du dollar. Ensuite la crise du déficit budgétaire est plus importante chez nous (34%) mais elle est masquée par le recours massif et souvent indu au fonds de régulation des recettes (FRR). Aussi notre propre déficit budgétaire est tout simplement occulté au lieu d'être traité. Dernier point, il faudra quand même rouvrir le dossier des fonds souverains. Car, au bout du compte, c'est seulement la capacité de l'économie algérienne à se moderniser et à s'internationaliser qui garantira un développement durable ; pour ce faire il faudra forcément acquérir des actifs industriels et technologiques à l'étranger. Le nouveau paradigme de croissance passe par là. Plus personne n'en doute.