Le pouvoir semble avoir un problème avec sa promesse d'ouverture de l'audiovisuel. Jusqu'ici, il a tenté des substituts au monopole de l'ENTV en diversifiant l'“Unique”, en suggérant le lancement de chaînes thématiques à partir de la cuisse de l'“Unique”. Mais “réformes approfondies” obligent, il est question d'ouverture, au sens de sa libéralisation, de l'activité audiovisuelle. Le régime aurait-il changé à ce point, sans même que l'on s'en aperçoive ? Jusqu'ici, usant de l'arbitraire, il a fait de la procédure opaque d'agrément des titres de périodiques un moyen d'imposer le fait du principe du prince. Insuffisant, parce que quelques titres, voire quelques rédacteurs ou dessinateurs indisciplinés, avaient rendu difficile la normalisation programmée du produit médiatique, le pouvoir a fini par intégrer le délit de presse au code pénal pour sévir plus efficacement. L'imprimerie, la publicité des institutions, les entreprises services publics et l'administration fiscale ont été, au gré des circonstances, mobilisées pour la mission politique d'étouffement des voix indociles de la presse écrite et continuent de l'être aujourd'hui même alors que l'ouverture des médias lourds est à l'ordre du jour. Passer d'une conception policière du contrôle de l'activité informationnelle, avec usage de la pression judiciaire et de la corruption financière, à une réelle libération du champ médiatique nécessite la condition d'une rupture culturelle au niveau du pouvoir. C'est la difficulté, pour un régime qui a pris le pli de diffuser son discours par la voie d'un concert de relais synchronisés, de s'imposer une telle évolution qui fait que l'initiative d'ouverture de l'audiovisuel, à peine née, explique l'enlisement qui est actuellement le sien. Renvoyée par le Conseil des ministres à une loi ultérieure “spécifique”, la question de la télévision a commencé par être dissociée de la loi sur l'information. Et, depuis, le ministre de la Communication ne peut que “souhaiter”, comme il l'a fait hier dans El Khabar – et non annoncer – que le projet de loi puisse être soumis à l'Assemblée nationale durant la session en cours. L'issue de cette impasse culturelle paraît résider dans la résolution du dilemme du pouvoir : comment verrouiller l'ouverture ? Le ministre donne une piste : la création d'une chaîne de télévision sera conditionnée par “une convention qui sera conclue entre la société algérienne de droit privé concernée et une autorité de régulation de l'audiovisuel, validée par une autorisation délivrée par les pouvoirs publics”. On sait ce qu'il en fut de “l'autorisation délivrée par les pouvoir publics” dans la création de partis, d'associations et de journaux. Et cela après que “l'autorité de régulation”, dont les membres sont rémunérés par l'Etat, c'est-à-dire par les pouvoirs publics, eut fait le tri. Là aussi, on sait comment la fonctionnarisation, souvent synonyme de privilèges altérant le jugement, transforme les instances consultatives, postes avancés de la pensée officielle. Le processus de maturation et de formulation législative de la loi sur l'audiovisuel apparaît déjà comme laborieux. Le pouvoir y glisse les limites de son ouverture avant même qu'on sache le temps qu'il faudra patienter pour savourer sa virtuelle révolution audiovisuelle. M. H. [email protected]