Auteur, poète, artiste peintre, il est l'invité de l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel lors du 16e Salon international du livre d'Alger. Il y a animé une conférence autour de son œuvre et son parcours. Liberté : Vous êtes présent au 16e Salon international du livre d'Alger où vous avez animé une conférence portant sur votre œuvre littéraire. Une œuvre éclectique de soixante ans… Breyten Breytenbach : Je vais parler des les différents genres, d'autant que je travaille dans plusieurs langues. C'est l'histoire qui l'a voulu ainsi. J'écris d'abord dans ma langue maternelle qui est l'afrikaans, ainsi qu'en anglais, et un peu en français. Il s'agit en fait de poésie, de prose, d'essais de voyage. Il y a également deux composants : une écriture intimiste et une autre beaucoup plus publique qui reflète un certain langage. Vous écriviez, à vos débuts, en afrikaans, puis vous êtes passé à l'anglais. Mais vous continuez à recourir à votre langue maternelle pour la poésie. Pourquoi ? Pour moi, on ne peut pas écrire la poésie que la langue maternelle. On peut traduire bien sûr car chaque langue à son génie, chaque langue à ses talents. Et je pense que lorsqu'on dit langue maternelle, on dit ce que c'est la poésie. Car ce n'est juste d'être compréhensible, de jouer avec le sens, avec les mots, c'est également une question de son, une question de silence, une question de rythme ; et tout ce prisme linguistique, c'est ce qu'on apprend avant même de commencer à parler. La poésie pour moi se fait dans la langue maternelle, même si c'est la langue que l'on ne maîtrise plus le mieux, car c'est beaucoup plus direct. Le lien entre le besoin de s'exprimer et la forme que ça prend est beaucoup plus direct dans la langue maternelle. Vos premiers romans appartenaient au registre fantastique, puis, après votre sortie de prison, vous avez écrit des livres beaucoup plus autobiographiques. À quoi est due cette réorientation ? Parce que, encore une fois, l'histoire l'imposait à partir du moment où l'on est engageait on paye le prix de son engagement, on retombe dans un autre monde. Pour moi, le fait d'avoir été en prison m'a exposé à un vécu beaucoup plus populaire, beaucoup plus réel, et moins intimiste. Et forcément ça prend une autre forme d'expression. Mais cela dit, le fantastique n'a jamais disparu. Même en ce que je fais maintenant (la prose), je pense que les deux sont toujours présents, les deux phases d'une même réalité. L'exil a-t-il influé votre écriture ? Sûrement, sauf que moi j'ai vécu l'exil comme une chance inouïe d'apprendre d'autres langues, de voir d'autres lieux, d'être exposé à d'autres cultures. L'exil n'est pas forcément négatif, même si on est coupé des sources de sa langue, des sources mêmes des origines de ses expériences. Et quand c'est le cas, forcément ça devient autre chose. Vous avez participé en 2009 à Alger à l'hommage “Darwich, une vie de poésie”. Quelle relation entreteniez-vous avec ce grand poète ? De ma part, c'est une admiration et une volonté de vouloir comprendre sa vie et son œuvre, qui remonte à très loin. C'est aussi une amitié qui est très ancienne. Nous nous sommes rencontrés, il y a très longtemps, et nous nous sommes vus à plusieurs reprises. J'étais très passionné par la manière avec laquelle il traduisait sa poésie et sa vie de poète en tant que militant et personnage public. Il était un exemple pour nous tous. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur l'Afrique du Sud ? Ce n'est pas vraiment pour les mêmes raisons et le même stade que l'Algérie, mais nous passons, un petit peu, par le même processus, c'est-à-dire qu'en fin du compte, pour nous en Afrique du Sud, les objectifs et les raisons pour lesquels nous nous sommes battus ne sont pas encore atteints. La pauvreté s'est accrue, la violence aussi… Il y des signes d'un très grand danger qui nous guette. Il y a également le danger que ça éclate de nouveau entre groupes linguistiques, ethniques et régionaux différents, et que l'on recommence à vouloir se battre. Mais, c'est un pays qui a énormément avancé et qui est en pleine évolution avec énormément de vitalité. Donc le tableau n'est pas entièrement sombre, mais on n'est pas encore sorti de l'auberge.