Au Sénégal, la colère monte. L'opposition, notamment le Mouvement du 23 juin (M23), se dit bien décidé à en finir avec le régime de Wade. Celui-ci a écourté son séjour aux Etats-Unis où il avait programmé de faire campagne auprès d‘Obama et de Sarkozy pour sa réélection, en marge de la 66e session de l'Assemblée générale des Nations unies. Par ailleurs, une manifestation a eu lieu devant le siège des Nations unies, sous les yeux de Wade et de ses pairs, parmi lesquels le président sénégalais ne compte pas que des amis. Sarkozy n'a pas l'air de lui renvoyer l'ascenseur, et Obama n'a cesse de renvoyer les dirigeants africains à son discours de Dakar dans lequel il a fait part de la désapprobation américaine pour des présidences à vie. Wade, qui donnait des leçons en démocratie avant d'être pris à son tour par la fièvre du pouvoir autocratique, devait se sentir déshonoré sous l'œil des caméras du monde entier dans l'immeuble de verre de l'Onu lorsque ont fusé les slogans de la manifestation : “Wade dégage”, “Wade dictateur et voleur”, “Touche pas à ma Constitution”. Mais il n'y avait pas que cela. Alors que se déroulait la manifestation devant le siège de l'Onu, Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des AE, était à Washington pour exposer les dérives du pouvoir Wade. La veille, 20 septembre, Alioune Tine, Bara Tall et Gadio, deux autres figures illustres de l'opposition, ont rencontré le numéro deux de l'Onu, Lynn Pascoe, secrétaire général adjoint chargé des affaires politiques. A ce diplomate américain chargé de la sauvegarde de la paix dans le monde, les émissaires du M23 ont exposé les dangers qui guettent la démocratie sénégalaise. Sa réponse a été on ne peut plus parlante : “Je vous ai compris. Je vais faire le nécessaire.” Militant connu des droits de l'homme, président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), Alioune Tine a mis à profit son statut d'observateur à l'Onu pour divulguer à grande échelle son discours anti-Wade dans les couloirs de l'Onu. Comme il ne s'est pas privé d'user de son pedigree pour vulgariser le message du M23 auprès des organisations américaines de défense des droits comme Human Rights Watch et la Coalition internationale pour la Cour pénale internationale. Agé de 87 ans, Abdoulaye Wade, qui a déjà effectué deux mandats présidentiels, tente d'en briguer un troisième pour placer par la suite son fils Karim comme dauphin. M23, qui regroupe 57 partis politiques et une soixantaine d'organisations de la société civile, a commencé vendredi sa campagne baptisée “Mon pays, c'est ma vie”, dans l'optique de contraindre le chef de l'Etat sénégalais à renoncer à sa candidature pour la présidentielle de février 2012, jugée anticonstitutionnelle. La protesta inaugurée par un grand rassemblement à place de l'Obélisque, située sur le boulevard du Centenaire à Dakar, la capitale, est destinée à barrer la route à la “candidature du chaos”, selon M23. Son plan d'action est pour le moment tenu secret, pour déjouer la répression et autres manœuvres dissuasives soft. M23 a averti que le Mouvement ne reculera devant rien, pour que la force reste à la loi et que la Constitution du Sénégal soit respectée et préservée. La mobilisation populaire a déjà eu raison de Wade un certain 23 juin 2011, lorsque la rue sénégalaise s'était animée pour dire non au vote de sa loi instituant pour sa candidature un nouveau ticket présidentiel. Les Sénégalais, boostés par le “Printemps arabe” clament : “C'est le peuple qui fait les institutions.” Et M23, qui en représente ces aspirations, se dit en lutte pour le triomphe des idéaux de justice, de paix, de démocratie et de progrès au Sénégal. M23 a donné à Wade jusqu'à fin octobre pour renoncer à briguer à un nouveau mandat en 2012. Elu une première fois en 2000 pour sept ans, puis réélu en 2007 pour cinq ans après une modification de la Constitution instituant un quinquennat renouvelable une fois, Wade a annoncé en 2009 qu'il se représenterait en 2012, après avoir dit le contraire après sa réélection de 2007. “Nous lui donnons jusqu'à la Tabaski, fête de l'Aïd el-Kébir, pour qu'il renonce à sa décision de se porter candidat”, clame la rue dakaroise. Selon les dispositions légales au Sénégal, le Conseil constitutionnel doit publier fin janvier 2012 la liste des candidats autorisés au scrutin présidentiel, dont le premier tour est prévu le 26 février 2012. “On attend jusqu'à la Tabaski, et s'il ne renonce pas, ce seront des manifestations tous les jours, tous les jours, jusqu'à son départ, comme pour Ben Ali, Moubarak et Kadhafi”, affirment les coordonnateurs du M23. Les slogans du printemps dakarois sont : “Mame, bayi jotna (Papy, l'heure du départ a sonné), “Wade, yemal, dégage”.