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Les retraités entre solidarité de l'état et dignité humaine
Comment lutter contre la précarité ?
Publié dans Liberté le 08 - 10 - 2011

Le dossier sur les retraites semble être apprécié différemment par les représentants de l'Etat et par ceux des pensionnés. En fait, la question de la solidarité, surtout sa perception par les uns et par les autres, ainsi que l'urgence de solutions, sont au cœur du problème.
Au niveau du ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, l'insistance va, entre autres, à la réforme pour la sauvegarde des équilibres de la CNR et de ceux du budget de l'Etat, mais aussi aux “mesures importantes” mises en œuvre, dans la dernière décennie. Des mesures destinées à assurer “la pérennité du système national de retraite” et à améliorer “le pouvoir d'achat des retraités”.
Dans ce cadre, il est fait mention de la création, en 2006, d'un Fonds national de réserves des retraites (FNRR), financé essentiellement par les 2% du produit de la fiscalité pétrolière (qui sont passés dernièrement à 3%), dont les réserves sont estimées à mai 2011 à plus de 146 milliards de DA, soit “l'équivalent de 4 mois et demi de prestations de retraite servies par la CNR”. Parmi les mesures prises en faveur des retraités, le département de M. Louh évoque les revalorisations annuelles des pensions et allocations de retraite qui, selon lui, ont permis une revalorisation globale moyenne des pensions de l'ordre de 55% entre 2000 et 2010, ainsi que la revalorisation (à 10%), cette année, de plus de 2 millions de retraites. Le ministère du Travail relève également que le monde des retraités a profité de l'institution d'indemnités complémentaires, comme l'indemnité complémentaire au profit des titulaires de pensions de retraite et d'invalidité (ICPRI) dont le montant est inférieur à 10 000 DA (514 485 bénéficiaires en 2010) et celle destinée aux titulaires d'allocations de retraite (ICAR) dont le montant est inférieur à 7 000 DA (162 707 bénéficiaires en 2010). À cela, vient se greffer la revalorisation de la majoration pour conjoint à charge des pensions de retraite de plus de 147% entre 2000 et 2011, passant de 700 DA en 2000 à 1 731 DA en 2011. Par ailleurs, la même source indique qu'il y a eu le relèvement du seuil de la pension minimum des petites pensions (75% du SNMG) et des pensions de retraite des moudjahidine (2,5 fois le SNMG) suite aux relèvements successifs du SNMG, dont la dernière augmentation de 25 % intervenue en 2010. Sans oublier l'exonération de l'IRG des pensions de retraite dont le montant est inférieur à 20 000 DA (loi de finances 2008 et loi de finances complémentaire 2008), ayant touché 256 518 bénéficiaires. D'après le ministère, les abattements de l'IRG de 10 à 80% pour les pensions de retraite de 20 000 à 40 000 DA (loi de finances complémentaire 2010) ont bénéficié à plus de 230 000 retraités. De plus, la mesure introduite en 2009, à savoir la revalorisation “exceptionnelle” de 5% des pensions et allocations de retraite (inférieures à 11 000 DA) directes et principales de réversion, a concerné plus de 1,3 million de retraités (régime des salariés et des non salariés) pour un impact financier de 6,55 milliards de DA, soit un gain moyen mensuel de 533 DA pour le régime des salariés et 1 202 DA pour le régime des non salariés. Enfin, le département de Tayeb Louh révèle que durant la période allant de 1999 à 2011, le montant de la pension moyenne du régime général ou de la retraite normale à 60 ans a enregistré une hausse de 108%, passant de 8 649 DA à 18 000 DA.
Qui de l'UGTA ou de la FNTR s'est fait avoir ?
Un autre discours est développé par les retraités et leurs représentants. Pour eux, la priorité va à la situation des pensionnés et à l'insistance sur “la faiblesse” du niveau des pensions. Une faiblesse elle-même tributaire de celle des salaires (de l'assiette de calcul des anciennes pensions) et de celle du taux de revalorisation annuel comparativement aux augmentations des salaires des travailleurs en activité, notamment de 2008 à 2011. Dernièrement, une étude menée par la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR) montre que sur les 2,1 millions de pensionnés en 2010, 50% d'entre eux perçoivent des pensions mensuelles inférieures au SNMG. De plus, précise-t-elle, 360 000 retraités, soit 20 % des effectifs, perçoivent une pension inférieure à 10 000 DA et 600 000 autres retraités (30%) une pension inférieure ou équivalente au SNMG, celle-ci variant entre 10 000 et 15 000 DA. Pour accentuer l'érosion du pouvoir d'achat des pensionnés, l'étude signale qu'entre 2005 et 2010 le taux d'augmentation du prix des produits de large consommation a largement grimpé, atteignant les 116% !
Récemment, les résultats de la dernière tripartite, tenue les 29 et 30 septembre, a beaucoup déçu les retraités et la FNTR. L'organisation syndicale les a perçu comme “un manque de respect”, “une humiliation”. La fédération n'a pas caché sa “colère”, reprochant au gouvernement et plus particulièrement au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, de l'avoir pratiquement menée en bateau, après lui avoir promis de l'aider à faire sortir les retraités “des situations précaires”. Encouragés par la centrale syndicale UGTA, puis mis en confiance par “les déclarations rassurantes” du ministre du Travail qui a “reconnu que les retraités vivent dans la précarité”, les membres de la FNTR ont “préparé un dossier ficelé et détaillé, retraçant la situation des retraités, en présentant des arguments solides”.
Les décisions prises par la tripartite ont eu l'effet “d'une douche froide” pour les représentants des retraités, qui soutiennent que leurs revendications n'ont pas été prises en charge. En fait, ils nous renvoient aux 8 points inscrits à l'ordre du jour de la rencontre tripartite : abrogation de l'article 4 de la loi 99-03 pour le retour de la pension minimum à 100% du SNMG, actualisation des anciennes pensions de retraite datant d'avant 1996, abrogation de l'article 3 de la loi 99-03 pour le retour à la majoration pour conjoint à charge à 600 fois le montant horaire du SNMG, abrogation de l'article 9 de la loi 99-03 pour le retour au droit acquis figurant dans l'article 19 de l'ordonnance 96-18 modifiant l'article 43 original de la loi 83-12, augmentation conséquente des pensions et allocations de retraite à compter de janvier 2010, relèvement du minimum des petites allocations de retraite à 5 000 DA et remboursement par le Trésor de l'argent de la CNR (près de 500 milliards de DA) dépensé par cette dernière sans compensation de l'Etat au profit de retraités sortis avant l'âge légal de la retraite pour compression d'effectifs. Seule consolation : la revalorisation du SNMG à 18 000 DA va profiter aux retraités dont la pension est de 11 250 DA, qui passera à 13 500 DA, à partir du 1er janvier 2012.
L'ancien secrétaire général de la FNTR, Abdelmadjid Azzi, a déploré “la frilosité” de l'UGTA, en rappelant que celle-ci avait pourtant déclenché, au début des années 1990, une grève générale “pour faire plier le gouvernement” sur l'affaire des ponctions sur salaires. Faisant écho aux déclarations des responsables actuels de la FNTR, il a soutenu que le problème des retraités en Algérie est “une question de dignité et de droits”, qui veut dire donc que “les retraités ne demandent pas l'aumône, mais exigent leurs droits”. Plus explicite, l'ex-responsable a attesté que “c'est aux conseils d'administration de la sécurité sociale d'administrer les caisses de sécurité sociale et non à l'Etat qui est lui-même employeur”.
Selon lui, la loi sur la sécurité sociale place le ministère du Travail dans un rôle de “contrôle a posteriori” et s'il y a litige entre ce ministère et le conseil d'administration, il reviendra à la justice de trancher. “Aujourd'hui, les conseils d'administration sont marginalisés et c'est le ministère du Travail qui gère directement les caisses, alors qu'il devrait faire la chasse aux employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés”, a souligné M. Azzi, en évoquant “un gisement de près de 50% de travailleurs qui ne cotisent pas à la sécurité sociale et qui bénéficient de la médecine gratuite”. Concernant la prise en charge, par l'Etat, de 110 milliards de dinars comme “dépenses complémentaires de retraites” entre 2006 et 2010, il a énoncé qu'il s'agit de la contribution de l'Etat aux moudjahidine et aux petites pensions. “Je défie le gouvernement de donner la somme qu'il accorde à la sécurité sociale et à la CNR, à titre de subvention d'équilibre”, a-t-il déclaré, en ajoutant : “Le système de sécurité sociale en Algérie permet aujourd'hui d'augmenter les pensions de retraite, pas seulement de 40% comme le suggère la FNTR, mais de 50%”.
H. A.


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