Qui mieux qu'un médecin ou un malade pour démentir les assurances de Djamel Ould-Abbès concernant “la disponibilité” des médicaments et autres appareillages nécessaires pour le traitement des cancéreux ? La réponse est de toute évidence : seuls les professionnels et les patients savent quelque chose sur la situation “lamentable”, voire “dramatique” qui prévaut dans le peu de centres spécialisés existant encore en Algérie. Ingénieuse idée donc, que celle des médecins résidents (futurs praticiens spécialistes), soutenus par des patients et des représentants du mouvement associatif, qui ont organisé, jeudi dernier, devant l'enceinte du CPMC, un sit-in de solidarité avec les cancéreux. C'était pour dénoncer haut la souffrance que ces derniers vivent depuis des années, et par ricochet dédire le ministre de tutelle qui, à chacune de ses sorties, tente de minimiser cette situation. “Aujourd'hui, nous sommes venus ici pour dévoiler le grand désarroi des malades et dire non à la condamnation des cancéreux en Algérie. Nous leur devons tout ce qui se fait de mieux pour leur rendre espoir”, s'est écriée au mégaphone une représentante du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) devant plus d'une centaine de ses confrères, venus apporter leur soutien aux malades. Ces derniers brandissaient plusieurs banderoles et autres écharpes hostiles à la tutelle, dont un portrait inédit de Djamel Ould-Abbès mis dans le costume du fameux Superman sur lequel est écrit : “Super menteur”. Un slogan qui a davantage surchauffé l'assistance. Emus, certains patients et parents présents ont aussitôt pris la parole pour dire publiquement leur désarroi. “Cela fait plus de quatre ans que je cours dans les hôpitaux pour faire soigner ma femme atteinte d'un cancer de la vessie. Elle a rechuté à plusieurs reprises pour défaut de médicaments. Le volume de sa tumeur, qui était de 4 mm en juin dernier, est passé aujourd'hui à 18 mm”, témoigne K. Bouzid, révélant, au passage, que sa femme malade a été contrainte de subir des interventions chirurgicales chez le privé pour la somme avoisinant les 10 millions de centimes. Et B. M., une femme atteinte de cancer, la cinquantaine environ, de s'interroger sur qui gère quoi dans ce pays. “Cela fait plus de six mois depuis que je traîne vainement entre les hôpitaux. À chaque service où j'ai été, on me demandait “qui t'as envoyée ?'', cela veut-il dire que si on n'a pas de connaissance dans un hôpital, on n'a pas le droit d'être soigné ?” s'est-elle écriée, désabusée. Cette réalité amère est, par ailleurs, justifiée par les services qu'offrent aujourd'hui les cinq centres sinistrés de traitement du cancer. Les pénuries chroniques des drogues de chimiothérapie et les rendez-vous très éloignés, souvent plus de six mois, attestent les professionnels, font que “80% des malades décèdent avant le jour du RDV.” Hélas ! “La situation actuelle est à la fois une double angoisse pour les patients et une double frustration pour les médecins”, se lamente, impuissant, le docteur Merouane Sid-Ali, résident au service de radiothérapie du CPMC. À son tour, un patient dénonce le fait que “des milliers de malades meurent souvent par faute de soins”. Pour lui, “il est aberrant que les pouvoirs publics ne prennent pas encore conscience de ce problème”. Farid Abdeladim