Tout le monde s'accorde à dire, dans cette accélération régionale de la demande de changement, que l'implication des partenaires sociaux dans la mise à jour et peut être la redéfinition des politiques économiques et sociales du pays pourrait être une des clés de réussite des réformes. A cet égard le mécanisme le plus ancien de consultation sociale qu'est la tripartite nécessite une sérieuse mise en cohérence aussi bien dans ses finalités et son format que dans ses modes de représentation et de fonctionnement. Lors de la dernière tripartite le Premier ministre lui même soulignait que « l'absence des syndicats autonomes ne signifie nullement que le Gouvernement ne les reconnaissait pas ». L'exhaustivité et la légitimité de la représentation socio professionnelle, dans ce mécanisme, est effectivement un des problèmes majeurs posés et non résolus à ce jour mais il y en a aussi d'autres aussi importants que j'évoquerai. Aussi pour moi, au delà de la mise en place des groupes de travail chargés de finaliser dans les six prochains mois les dossiers de la prochaine réunion, c'est la refondation de la tripartite elle-même qui devrait être incluse dans l'agenda des réformes annoncées. Il me semble que la renégociation du Pacte national économique et social, qui vient d'être échu, est précisément le bon moment et le bon endroit pour mettre à jour l'ensemble des mécanismes de concertation et de négociations sociales. Engagée pour le moment avec les seuls partenaires sociaux membres récurrents de la tripartite, cette négociation devra forcément être élargie, de mon point de vue, aux syndicats autonomes les plus importants et aux acteurs les plus représentatifs de la société civile. S'il était reconduit dans son format actuel, le Pacte national économique et social ne gagnerait pas en représentativité, et finalement en légitimité, car il ne tiendrait pas compte des changements qualitatifs majeurs enregistrés ces deux dernières décades dans la société et l'économie algériennes. L'ampleur et la diversité du mouvement social durant l'année 2011 le montre bien, s'il en était besoin. Un dernier un mot sur cette problématique de la représentativité et de la légitimité des acteurs sociaux concernés. Rien ne justifie que les grands syndicats autonomes, le syndicat des entrepreneurs publics ou bien des associations de protection de l'environnement, celles des consommateurs ne soient pas parties prenantes dans l'élaboration, la négociation et la signature de ce Pacte qui devrait constituer un véritable contrat social. Ensuite sur le contenu on ne peut plus se contenter d'un texte qui décline seulement une pétition de principes généraux sans impact réel sur la sphère économique et sociale. Il s'agit de parvenir à des véritables engagements contractuels mesurables entre les parties signataires c'est-à-dire les pouvoirs publics, le patronat, les syndicats et les segments de la société civile concernés. C'est le moment pour les pouvoirs publics de fixer avec ses partenaires économiques et sociaux les frontières du financement budgétaire pour les transferts sociaux et les divers soutiens accordés sous diverses formes aux entreprises. Par exemple en expliquant de façon transparente, pourquoi, en l'état actuel du déficit budgétaire, l'abrogation de l'article 87 bis du code du travail ou bien la baisse sur l'impôt sur le revenu(IRG) aurait un grave impact sur les équilibres financiers internes. D'autant qu'Il faut savoir en outre que la garantie de l'Etat et le financement du rééchelonnement de la dette des entreprises portera sur 200 milliards de dinars soit deux milliards d'euros. En contre partie, c'est le moment aussi pour les partenaires sociaux d'exiger et d'obtenir des pouvoirs publics une amélioration sensible d'un climat des affaires qui ne cesse de se dégrader (le dernier rapport Doing business déclasse l'Algérie à la 148iéme place et l'ambassadeur du Japon compare l'Algérie à la Corée du Nord). C'est possible lorsque l'on observe que la Géorgie, héritière du système soviétique de gestion administrée, est passée du rang 137 en 2003 au rang 16 du classement pour 2012 cité plus haut. Mais chacun sait que le rétablissement de la confiance passe obligatoirement par le traitement des sujets qui fâchent dans une transparence et une responsabilité assumée car un consensus mou est dommageable pour tous. La mise en place d'une économie compétitive diversifiée ne peut se réaliser si les pouvoirs publics d'une part, et les partenaires sociaux d'autre part, restent figés dans une guerre de tranchées où chaque partie est seulement à la recherche de victoires tactiques de court terme. En vérité la solution durable qu'il faudra construire conjointement, et rapidement, est celle de tirer profit d'une situation internationale favorable pour les pays disposant d'excédents financiers. Car l'acquisition des actifs industriels et technologiques est à présent très compétitive, y compris dans les énergies renouvelables, pour les entreprises algériennes qui en ont bien besoin. C'est à mon sens la voie à privilégier pour permettre à l'économie algérienne de passer à un nouveau régime de croissance robuste et durable. Une partie du débat qu'il faudra avoir sur cette question devrait concerner la création de fonds souverains .Car continuer à dépenser une partie importante des ressources financières issues de la fiscalité pétrolière pour couvrir le budget de fonctionnement et les soutiens consommation s'avérera dangereux en cas de retournement des prix pétroliers. Des scénarii devraient être produits sur ce sujet et faire l'objet d'évaluation et d'études d'impact sur la soutenabilité à moyen et long terme du budget de l'Etat. Cela n'arrive pas qu'aux autres d'autant que nous gardons le souvenir d'un ajustement structurel douloureux qui ne pourrait plus être acceptable politiquement et socialement. Aussi à l'heure où la crise des dettes souveraines s'élargit à d'autres pays importants de l'Europe des enseignements doivent être tirés, notamment de l'exception allemande. C'est la qualité de la concertation socio professionnelle qui a permis à ce pays d'anticiper la situation que connaissent actuellement une grande partie des pays européens. Bien avant la crise financière de 2008 les syndicats allemands avaient accepté la modération et même le gel salarial pour garantir aux exportations allemandes leur compétitivité et maintenir un rythme acceptable de création d'emplois. Pour ce qui me concerne, je considère que ces types d'enseignement sont à méditer aussi par les pays exportateurs de matières premières, y compris l'Algérie. Moyennant quoi, chez nous, tout le reste pourrait être négociable entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics sur une base contractuelle et transparente. Cela devrait constituer finalement le véritable objet du Pacte national économique et social. On verra dans six mois en même temps, hasard de calendrier, que l'agenda d'une autre échéance politique celle là. Celles des élections législatives. Il est vrai que l'un ne va pas sans l'autre car tout est dans tout. M. M.