“Nous exigeons l'autonomie de gestion et de distribution des médicaments, si nous voulons concurrencer les fournisseurs privés qui contrôlent à présent le marché du médicament”, ont déclaré les travailleurs d'Endimed (Entreprise nationale de distribution des médicaments), qui sont montés au créneau, jeudi. Ils ont tenu à dénoncer avec force la politique de distribution des produits médicamenteux qui a fait chuter, selon eux, le chiffre d'affaires de plus de 50% durant l'exercice 2011. Cette situation a eu une incidence directe sur les marchés de cette entité étatique, qui s'est soldée par la résiliation de la convention avec la Casnos. “Nous avons subi une perte sèche de l'ordre de 100 milliards de centimes, générée par l'effet insidieux de la caisse de retour”, regrette un syndicaliste. Les longs délais de livraison des médicaments et les mécanismes obsolètes en matière de gestion et de traçabilité de ces produits sensibles font craindre le pire aux 260 travailleurs répartis sur les 109 officines de pharmacies au niveau de sept wilayas de l'Ouest. Ce sont aussi les malades chroniques qui pâtissent de cet état de fait douloureux. C'est l'Entreprise de distribution des médicaments qui prend en charge la fourniture en matière de produits pharmaceutiques, auprès des fournisseurs privés qui font “la loi”. Cette affirmation n'est pas le fait du hasard, elle donne une idée assez large sur un malaise patent. “Nous sommes totalement à la merci des fournisseurs privés qui semblent favoriser les pharmacies privées au détriment du secteur public. C'est là où le bât blesse, et cela nous lèse beaucoup”, affirment les travailleurs. Ils citent l'exemple des fournisseurs de l'Est du pays, qui exercent un réel pouvoir sur la distribution du médicament. “Lorsque nous sommes tenus de respecter les engagements consignés dans le cahier des charges de façon statique à l'heure où le secteur de la distribution est devenu versatile, nous sommes réduits à dépendre complètement des fournisseurs privés avec la bénédiction de la SGP Gephac, qui détermine à l'avance nos besoins en matière d'approvisionnement en médicaments par le biais d'avis d'appels pernicieux sur une durée d'une année”, déplorent-ils. Ils accusent la gestion du Groupe d'entreprises des produits chimiques d'avoir la haute main sur tout ce qui touche à la fourniture des médicaments. “Nous constatons, impuissants, la dérive de notre secteur en l'absence d'une politique de gestion décentralisée”, plaident-ils. Ils enfoncent le clou en mettant à l'index les initiateurs du plan de redressement mis en œuvre depuis 2010. “C'est une galéjade, dans la mesure où nous fonctionnons avec le strict minimum dans le cadre de nos missions et autres prérogatives extrawilaya”, affirme un syndicaliste. “Nos responsables, pour se rendre en prospection dans les autres wilayas, utilisent leurs propres moyens”, souligne-t-on. “On ne peut même pas acheter un micro-ordinateur sans en référer à la hiérarchie, comme nous ne pouvons pas recruter des jeunes en quête de travail. C'est une aberration”, clament-ils encore. L'autre point noir évoqué par les travailleurs a trait au mode de fonctionnement des fournisseurs privés. “En plus de s'attribuer de substantielles marges bénéficiaires, ils refusent de rembourser les frais des médicaments périmés, pourtant contenus dans les clauses du cahier des charges”, indiquent-ils. “Les dysfonctionnements actuels de la chaîne de distribution du médicament mettent en péril l'efficience même du système de santé publique, c'est pourquoi il est essentiel de réintroduire la notion de service public à tous les niveaux de la chaîne du médicament et d'œuvrer pour rétablir la primauté du volet médical sur le volet commercial, en permettant une concurrence loyale et de respecter l'éthique entre tous les intervenants du secteur”, affirme-t-on. Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire de mettre en place des relations directes Endimed-fournisseurs privés, en sus des relations déjà existantes laboratoires-distributeurs-pharmaciens, qui permettront de mettre un terme à la situation chaotique actuelle de “monopole”, qui pénalise les pharmaciens publics, privés et même les patients. Cette relation directe Endimed-fournisseurs privés vise à matérialiser et raffermir les dispositifs de concurrence, garantissant ainsi une meilleure régulation du marché, qui assurera à son tour une meilleure disponibilité du médicament, en empêchant toute tentative de rétention des produits pharmaceutiques à des fins spéculatives. K. Reguieg-Issâad