Mal en point avec l'affaire de corruption touchant ses deux fils, le chef du gouvernement israélien est maintenant bousculé par la nouvelle initiative de paix orchestrée par la gauche israélienne et des personnalités palestiniennes, qui obtient le consentement du chef de la diplomatie américaine. Avec une cote de popularité en baisse continue ces dernières semaines — 57% d'opinions négatives selon un récent sondage —, Ariel Sharon s'affaire à contrer le plan de paix initié à Genève par des personnalités de la gauche israéliennes et palestiniennes, dont les anciens ministres Yossi Beilin et Yasser Abd Rabbo. La visite à Washington, il y a quelques jours, des promoteurs du projet des deux camps, semble avoir porté ses fruits, à voir la lettre d'encouragement que leur a adressée Colin Powell, même si l'administration Bush n'a pas pris de position officielle à ce sujet. La missive du secrétaire d'Etat américain aux affaires étrangères vient confirmer les affirmations des initiateurs de ce plan de paix non officiel, selon lesquelles cette démarche ne cesse de recevoir un “soutien croissant”. En apportant son soutien à cette initiative, le chef de la diplomatie US accule le patron du Likoud qui perd ainsi un précieux appui en la personne de Colin Powell. Il sera désormais très difficile à Ariel Sharon d'imposer son point de vue. Conscients de cela, il tente de court-circuiter ses adversaires travaillistes en proposant de renouer le dialogue avec les Palestiniens. Il a annoncé attendre la constitution du cabinet d'Ahmed Qoreï pour le rencontrer. Les observateurs avertis de la scène proche-orientale savent que ce ne sont là que des manœuvres du premier ministre israélien pour gagner du temps en attendant de régler ses problèmes, dont celui de ses deux fils impliqués dans une affaire de corruption. Sharon a été entendu la semaine passée par la police dans le cadre de l'enquête. Cela étant, il est dans l'obligation de relancer la mise en œuvre de la feuille de route du quartette internationale, interrompue depuis la démission du chef du gouvernement sortant, Mahmoud Abbas, pour montrer sa bonne foi. Mais comme Yasser Arafat conserve encore le gros des prérogatives dans le domaine de la sécurité sous couvert du conseil national de sécurité qu'il chapeaute, car le nouveau ministre palestinien de l'intérieur, Hakam Balaawi, se limitera à gérer la sécurité civile seulement, il est à prévoir une réaction négative d'Ariel Sharon. Reste à savoir de quel degré elle sera, en raison de la position peu confortable dans laquelle il se trouve maintenant. Il ne peut plus se permettre les prises de positions radicales qui bloquaient systématiquement les négociations de paix entre les deux parties, parce qu'une telle situation sera certainement mise à profit par les initiateurs du plan de paix informel de Genève pour l'imposer comme une alternative à la feuille de route du quartette. Mais vu les liens étroits entre l'administration Bush et le cabinet Sharon, il n'est pas exclu que la lettre d'encouragement de Colin Powell ne soit qu'une manœuvre pour pousser le chef du Likoud à mettre en œuvre la feuille de route, que le président américain met un point d'honneur à concrétiser car la considérant comme son œuvre. K. A.