La campagne électorale pour les législatives a bel et bien commencé. Les principales forces politiques affûtent leurs armes et avancent leurs pions en vue d'une joute électorale inédite. Sur fond de débat sur les réformes politiques proposées par le président Bouteflika, les partis les mieux placés pour la course du printemps prochain entament, prématurément, leur campagne. C'est que l'enjeu est de taille. Cela dépasse la question de la distribution des sièges dans l'hémicycle de l'APN, et cela va également au-delà du semblant de débat sur des projets de loi censées concrétiser les réformes promises par le président Bouteflika. En fait, le débat qui se déroule présentement prépare l'après-Bouteflika. Chaque formation essaye de se placer en vue de cette perspective. Première victime de cette course : l'Alliance présidentielle qui vole en éclats. Chacun tente de justifier l'abandon du navire Bouteflika à sa façon. Si Soltani a tiré à boulets rouges sur ses deux alliés les accusant d'avoir saboté les réformes de Bouteflika, c'est que le leader du MSP se projette déjà dans la peau d'un présidentiable et il sait que ses deux alliés actuels seront bientôt ses adversaires. Le FLN, embourbé dans une crise interne qui risque de durer, ne sait plus sur quel pied danser. Dans une maladroite tentative de se justifier vis-à-vis du président Bouteflika, Belkhadem, qui nourrit de sérieuses ambitions présidentielles, annonce que le candidat du FLN pour la présidentielle de 2014, est Bouteflika. Une annonce qui n'a pas manqué de faire réagir son frère ennemi, le RND, lequel considère que cette sortie de Belkhadem est sa façon à lui d'agiter l'épouvantail Bouteflika à chaque fois qu'il se trouve en difficulté. Le parti d'Ahmed Ouyahia poursuit sereinement sa campagne sans faire trop de tapage, tout en distillant des piques à ses adversaires. “À la guerre comme à la guerre”, semble dire le RND à ses ex-alliés auxquels il promet de ne faire aucun cadeau lors des joutes électorales. Le premier à avoir entamé la campagne fut Abou Djerra Soltani. Après avoir, durant des mois, agité la menace de quitter l'Alliance présidentielle, il est passé à l'acte lors du vote des lois de la réforme, en votant contre les amendements apportés par ses alliés, notamment ceux du FLN. Le patron du MSP ne cache plus son ambition de fédérer les Frères musulmans d'Algérie, histoire de se mettre à la page des révolutions arabes qui ont souri aux Frères musulmans en Tunisie et en Egypte. Mais sur ce terrain, un autre frère musulman reste en embuscade, Abdallah Djaballah, qui revient avec un nouveau parti, non encore agréé. L'ancien tribun de Skikda et Constantine ne compte pas s'arrêter aux Frères musulmans mais vise les militants de l'ex-FIS. Djaballah paraît mieux placé que Soltani, en raison de la stature d'opposant dont il jouit, contrairement à Soltani qui a composé avec le pouvoir durant tout le règne de Bouteflika, et même avant. Soltani, dans une réaction de la 25e heure, jure, à qui veut l'entendre, qu'il ne sera plus ministre désormais. Mais les islamistes, toutes tendances confondues, sont persuadés que leur heure est venue et qu'ils ont un coup à jouer lors des élections du printemps prochain. D'ailleurs, l'ambition affichée par les islamistes n'a pas manqué de faire réagir le RND et le PT. Ces deux partis les accusent d'avoir été à l'origine de la crise et d'avoir participé à la gestion des affaires de la cité. Les islamistes devront compter aussi avec d'autres partis et non des moindres, tels que le RCD et le FFS. Reste à connaître la position de ces deux formations quant aux prochains rendez-vous électoraux. Si pour le parti de Sadi, se pose déjà la question de la transparence des élections, au FFS, l'heure serait aux préparatifs. Le parti de Hocine Aït Ahmed s'est débarrassé de Karim Tabbou, dont la mission était de maintenir en vie le parti, durant son absence du Parlement, pour cause de boycott des dernières législatives. En faisant appel aux anciens cadres du parti, Hocine Aït Ahmed veut s'entourer du maximum de chance pour faire un score qui dépasserait les “conventionnels” 20% de sièges. Mais où se placera le FFS ? Dans quel camp sera-t-il ? Fera-t-il cavalier seul ? Le mystère demeure entier. Il en est de même pour le FLN, qui a tout fait pour limiter la portée des réformes politiques de Bouteflika. Le parti, confronté à sa plus grave crise interne, ne sait plus à quel saint se vouer. Après s'être appuyé sur Bouteflika durant tout son règne, le parti ne sait pas comment s'en affranchir. Belkhadem, qui se met déjà dans la peau d'un présidentiable, voit son rêve de jouer la carte islamiste brisé, par la montée en puissance des Soltani et Djaballah. Affaibli au sein de son parti, le patron du FLN ira-t-il jusqu'à faire cavalier seul durant les législatives ? Quel programme défendra-t-il, lui qui clamait des années durant que son programme était celui du président de la République ? La campagne qui démarre risque d'apporter quelques éléments de réponse. Mais en toile de fond se dessine la présidentielle de 2014 qui sera, en grande partie déterminée par l'issue du scrutin de 2012. Azzeddine Bensouiah