Un colloque international dédié à la vie et à l'œuvre du grand penseur Malek Benabi (1905-1973) s'est ouvert hier et pour trois jours à l'université de Tlemcen avec la participation du président du HCI, cheikh Bouamrane, de Henri Teissier, ancien archevêque d'Alger et d'éminents chercheurs et professeurs venus d'Algérie mais aussi d'Arabie Saoudite, de Tunisie, du Maroc, du Liban, de Syrie, de Turquie et de France. Le colloque a été inauguré par le ministre des Affaires religieuses et des waqf, Bouabdallah Ghlamallah qui a prononcé à cette occasion une allocution pour souligner la portée de la vision et de la pensée philosophique de Malek Benabi en rapport avec la société musulmane mettant en évidence qu'il fut à son époque un précurseur de la politique et de civilisation. “La problématique de la pensée de Malek Benabi nous interpelle jusqu'à aujourd'hui, tant sa vision était réaliste et futuriste, ayant décrit avec une approche réelle de la situation du monde musulman et ses antagonismes”, a notamment souligné le ministre. Le conseiller du président de la république, Mohamed-Ali Boughazi, l'avait précédé pour, lui aussi, souligner que Malek Benabi, par ses écrits et conférences, voulait éveiller les consciences musulmanes et relancer une renaissance de la société musulmane tout en rappelant qu'il n'a pas cessé parallèlement de critiquer vivement l'administration coloniale française qui avait attribué le statut d'indigène aux autochtones algériens. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages consacrés aux problèmes de société, mais aussi d'idéologie, dont Le phénomène coranique (1946), Lebeik (1947), Les conditions de la renaissance (1948), Orientation du monde musulman (1954), Malek Benabi connu pour s'être intéressé particulièrement à la décadence du monde musulman, inventeur du concept de “colonisabilité” terme par lequel “il a désigné les sociétés aptes à être colonisées du fait de leur régression”. Il a notamment écrit : “On ne voit plus qui que ce soit s'émouvoir d'une erreur, d'une faute. Parmi les classes dirigeantes règne la plus grande quiétude morale. On ne voit aucun dirigeant faire son mea-culpa. C'est ainsi que l'idéal islamique ; idéal de vie et de mouvement a sombré dans l'orgueil et particulièrement dans la suffisance du dévot qui croit réaliser la perfection en faisant ses cinq prières quotidiennes sans essayer de s'amender ou de s'améliorer : il est irrémédiablement parfait, parfait comme la mort et comme le néant. Tout le mécanisme psychologique du progrès de l'individu et de la société se trouve faussé par cette morne de satisfaction de soi.” Dans son fameux ouvrage Vocation de l'islam qui fait jusqu'à présent école dans les universités, il a notamment écrit : “La plus grave parmi les paralysies, celle qui détermine dans une certaine mesure les deux autres (sociale et intellectuelle), c'est la paralysie morale.” Son origine est connue : “l'islam est une religion parfaite.” Voilà une vérité dont personne ne discute. Malheureusement il en découle dans la conscience post-almohadienne une autre proposition : “nous sommes musulmans donc nous sommes parfaits. Syllogisme funeste qui sape toute perfectibilité dans l'individu, en neutralisant en lui tout souci de perfectionnement.” Dans son livre intitulé La pensée et la culture moderne en Afrique du Nord, édité en 1965 au Caire, le professeur Anouar El-Djoundi écrivait : “Malek Benabi est très différent des prédicateurs, des penseurs et des écrivains. C'est un philosophe authentique avec un profil de sociologue qui, profitant de sa double culture arabe et française, a tenté de concilier entre la science et la pensée arabes inspirées du Coran et de la sunna et du patrimoine arabo-islamique d'une part et la science et la pensée occidentales inspirées du patrimoine gréco-romain et chrétien, d'autre part.” Les conférences attendues traiteront des questions sociales, politiques et économiques du monde musulman qu'a décrit dans sa démarche philosophique Malek Benabi, lequel a écrit aussi sur la femme, sur la démocratie et pratiquement tous les problèmes de civilisation et de développement. Malek Benabi a été parmi les premiers à suggérer le dialogue des religions. B. Abdelmadjid