Cette fois, le Qatar n'est pas suivi ! La Ligue arabe a donné son feu vert à la poursuite de sa mission d'observation, malgré les reproches qui lui sont adressés. Le représentant de l'émir du Qatar, ce petit richissime royaume du Golfe que le “printemps arabe” a hissé au rang de leader dans le monde arabe, a beau menacer, fulminer et mettre en garde, ses pairs ont tenu bon et soutenu le pouvoir de Damas. Donner une rallonge à une mission qui a montré non pas ses limites mais son parti pris en tournant les yeux des exactions que tentaient de leur montrer, voir de leur raconter des populations victimes de la terrible répression organisée méthodiquement par le régime syrien, c'est tout simplement accorder son soutien à ce dernier, n'a pas manqué de conclure le Conseil de transition syrien qui a ajouté ne plus rien attendre de la Ligue. Après avoir entendu le premier rapport du chef des observateurs, Mohammed Ahmed Moustapha Al-Dabi, un général soudanais qui s'était fait la main au Darfour, une province du Soudan à feu et à sang depuis plus d'une décennie pour rébellion contre Khartoum qui refuse de lui reconnaître ses particularités socioculturelles, le comité ministériel de la Ligue dont fait partie l'Algérie s'est, en effet, prononcé pour le maintien de l'opération “observation” en Syrie, “le temps nécessaire conformément au protocole”. Cette indétermination est en elle-même une prime à la poursuite du massacre qui a fait, selon l'ONU, plus de cinq mille morts ! Des affrontements ont encore opposé militaires et déserteurs dans la nuit de dimanche à lundi à Basr Al-Harir, dans la province de Deraa, l'épicentre du “printemps syrien” et à Daël, dans la même province, d'autres combats avaient cours entre déserteurs et soldats armés de mitrailleuses lourdes. Des perquisitions musclées ont été menées par les forces syriennes dans le village Al-Tayané, dans la région de Deir Ezzor, où plus de 30 personnes ont été interpellées, selon l'OSDH. Le soulèvement populaire contre le président Bachar Al-Assad a débuté à la mi-mars et la Ligue arabe en est encore à “observer” ! Sa dernière résolution de dimanche, présidée par le premier ministre du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem Al-Thani, plaide pour que sa mission “soit renforcée financièrement, logistiquement et en effectifs”. Actuellement au nombre de 163, les observateurs arabes sont rejetés par l'opposition syrienne en faveur du transfert du dossier syrien à l'ONU, soutenant que enquêteurs sont manipulés par les autorités de Damas quand ils ne sont pas à leur dévotion. Les premiers observateurs étaient arrivés à Damas le 26 décembre 2011 pour vérifier “si le régime de Bachar Al-Assad respecte ses engagements en matière de respect des droits de la personne dans le contexte de la révolte populaire dont il fait l'objet”. L'opposition déplore que la Ligue en soit à rechercher des preuves, alors que depuis la mi-mars la Syrie est déchirée entre contestation et répression, une situation semblant se transformer en conflit entre les forces du régime et les soldats dissidents qui ont rejoint l'Armée syrienne libre, combattants armés antigouvernementaux. En réalité, l'organisation panarabe est incapable d'endiguer les violences commises contre les populations syriennes par leurs autorités. Mis à part la mission d'observation, le protocole arabe prévoit en effet la fin des violences, la libération des prisonniers, le retrait des forces syriennes des villes et la libre circulation des journalistes ainsi que des délégués arabes dans le pays. Et au comité d'appeler de nouveau le gouvernement syrien et tous les groupes armés à stopper immédiatement tous les actes de violence. Encore des déclarations. Cependant, diverses sources convergent pour affirmer que la mission des observateurs arabes envoyés en Syrie a tourné à l'échec, mais que la Ligue ne peut pas y mettre un terme prématurément pour ne pas se discréditer davantage. Damas aurait menacé de claquer la porte aux observateurs arabes, alors que la Ligue a joué gros dans cette question. C'est la première fois que le syndicat des chefs d'état arabes est intervenu ainsi dans un de ses pays membres, il ne peut pas plier bagage tout de suite, selon des politologues. Pour ces derniers, la Ligue se serait tout simplement fait piéger par la Syrie et son allié russe, quand elle a signé le lundi 19 décembre le protocole d'accord sur l'envoi d'observateurs dans un pays secoué par une révolte populaire, mais fortement réprimée par les forces de sécurité de Bachar Al-Assad. Quelques jours auparavant, mercredi 14 exactement, le Qatar, qui dirige le comité ministériel de la Ligue, constatant le refus de Damas de parapher le texte, avait décidé de reporter le dossier au Conseil de sécurité de l'ONU. Mais dès le lendemain apparaissent brusquement des contre-temps, dont cette annonce par l'Irak qu'il va prendre une initiative et engager des pourparlers avec Damas ! Le projet est tombé à l'eau après la recrudescence de la violence à Bagdad sur fond de crises entre sunnites et chiites. Nouveau coup de théâtre, la Russie, qui préside jusqu'à fin décembre le Conseil de sécurité, a présenté à la surprise générale un projet de résolution sur la Syrie qui a tué la tentative du Qatar et de la Ligue de passer par l'étape onusienne. Moscou met publiquement la pression sur Bachar Al-Assad, lui demandant de se montrer coopératif avec les observateurs arabes… Et puis, les tergiversations que l'on sait de la part de Damas et les divisions apparues chez les observateurs de la Ligue dont une partie ne partage pas du tout l'optimisme béat du général soudanais. D. B