Immigration, sans-papiers, expulsions, fermeté et fermeture. Voilà les thèmes fétiches de la campagne de Nicolas Sarkozy pour sa réélection en avril prochain. La chasse aux étrangers, les têtes brunes particulièrement, il l'a confiée à son ministre de l'Intérieur, de l'immigration et des cultes, le fidèle Guéant que les lepénistes lui envient. Il n'y pas son semblable sur la scène politique française, voire en Europe, en matière de traque de niches des étrangers et de leur conduite aux frontières. Il vient, par ailleurs, d'égrener avec jouissance le nombre record d'expulsions atteint cette année, au point de parler de politique de fermeture. Marine le Pen, la passionaria de la peste brune française est restée abasourdie par tant d'audace. Elle prône aussi le nettoyage civilisationnel de son pays mais en y mettant les formes. Candidate à la présidentielle, capable de faire plus que son père en 2002 qui a coiffé au poteau le socialiste Jospin et figuré au second tour contre Jacques Chirac, la Marine a en effet mis des cailloux dans sa bouche. Les prêches islamophobes et xénophobes de son père ont cédé la place à l'exception française dans un pays frappé de plein fouet par la récession, le chômage et la précarité. Elle est plus intelligente que le soldat Guéant qui vante son bilan dans la chasse à l'Arabe et aux musulmans. Il a, avec zèle, dépassé ses objectifs et revendiqué le chiffre record d'une hausse de 17,5% des expulsions d'étrangers indésirables et une chute encore plus marquante de 30% des naturalisations. Le ministre s'enorgueillit d'avoir expulsé 32 912 personnes en 2011, contre 28 026 en 2010, dont de nombreux jeunes Tunisiens ayant fui la révolution. Son but pour 2012 étant de dépasser les 35 000 expulsions. Fier de son racisme jusqu'au bout des ongles, Guéant affiche de nouvelles ambitions : “Il faut en revenir au niveau de flux migratoires connus en France dans les années 1990”, c'est-à-dire n'accepter que 150 000 travailleurs avec à la clef la possibilité de les renvoyer chez eux à tout moment. Cette concession, Claude Guéant l'a faite sous la pression du patronat français dont le CAC 40 a été le principal soutien de Sarkozy. Guéant s'est même attaqué à l'immigration légale et assez intégrée dans son pays d'accueil, en durcissant, grâce à toute une série de textes, les conditions d'octroi de la nationalité, le regroupement familial ou les visas de travail pour les étrangers hors Union européenne. Ainsi concernant l'immigration professionnelle, 9 154 ressortissants étrangers ont été autorisés à venir France en 2011 contre 12 404 en 2010, soit une baisse de 26%. Et pour atteindre son bilan, Guéant a abusé de ses présupposés xénophobes du genre : “il y a un taux de délinquance parmi la population étrangère qui est entre deux et trois fois supérieur à la moyenne”, ou encore : “À Paris, 10% des personnes qui sont déférées à la justice ne sont pas des Français de souche”. Toutes ces raisons pour lesquelles il est en train de préparer un nouveau train de mesures pour expulser les étrangers qui séjournent en France depuis peu d'années, à leur première condamnation par la justice. Il faut lui faire confiance, pour rendre expulsable un étranger qui provoque un accident. Pour lui, “il y a encore trop d'étrangers en France”. Et à ce sujet, le ministre de Sarkozy ne renie pas sa convergence de vue avec la présidente du Front national, Marine Le Pen qui la première avait dit : “Je trouve que c'est trop”. Et comme l'égérie de l'extrême droite, pas de droit de vote des étrangers aux élections locales, en citant notamment la Seine-Saint-Denis, la circonscription qui caricaturise cette France plurielle qui fit mal au ventre de Sarkozy. “Cela veut dire que nous pourrions avoir des maires étrangers. Très franchement, je n'ai pas envie de voir dans le département de la Seine-Saint-Denis qui a une forte population étrangère, la majorité des maires devenir étrangers”, a dit son soldat qui a indiqué qu'à partir de ce janvier, les fichiers des étrangers résidant en France et de la Sécurité sociale seraient croisés, pour lutter contre les fraudes sociales imputables aux immigrés. Il a promis d'en finir avec ces ressortissants étrangers qui font des allers et retours entre la France et leur pays d'origine et “profitent” des allocations-logement, des allocations-familiales ou des allocations- d'adulte handicapé en France. Concernant son recul sur les étudiants étrangers, notamment maghrébins, qu'il a mis dans son viseur, Guéant a indiqué qu'il allait revoir sa circulaire pour y exclure une grappe de diplômes que les Français blancs n'ont pas obtenu et dont les titulaires seraient acceptés au cas par cas. On s'est plantés, avait avoué Laurent Wauquiez, le ministre de l'Enseignement supérieur le 17 décembre, quelques jours avant que Claude Guéant n'annonce lui-même qu'il allait revoir la copie de sa circulaire publiée le 31 mai 2011, qui limite les possibilités de séjour des jeunes diplômés étrangers. Copie à retravailler. Mais pas supprimée malgré sa dénonciation par les présidents de la Conférence des grandes écoles, de la Conférence des présidents d'université et de la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs. Selon le ministère de l'Intérieur, le gouvernement a adressé aux préfets “une circulaire complémentaire”, assouplissant la délivrance du permis de travail à certains étudiants étrangers “hautement qualifiés”, c'est-à-dire de niveau au moins égal au master 2. Pas invité place Beauvau, le Collectif du 31-Mai continue la mobilisation pour obtenir le retrait total de la circulaire Guéant. Une centaine de personnalités, dont le prix Nobel de physique ont jugé la circulaire Guéant “moralement méprisable, économiquement suicidaire”. La circulaire a également semé le trouble à droite. À l'UMP, des voix ont réclamé sa suppression. Elles sauvent l'honneur de la France des droits universels de l'homme. D. B