"...Le mouvement est en train de souffler et non de s'essouffler. Le pouvoir tente présentement de réactiver sa clientèle et d'actionner ce qui reste du FFS pour saborder le mouvement..." Liberté : Quelle est la situation actuelle du mouvement citoyen, après 20 mois de sa naissance ? • Bezza Benmansour : Depuis l'assassinat du jeune Massinissa Guermah dans les locaux de la gendarmerie et l'enlèvement de trois collégiens à Amizour par des gendarmes, les populations, notamment de la région de Kabylie, engagées dans une lutte pacifique pour la satisfaction de revendications démocratiques, subissent une répression sanglante. Elles sont, depuis 19 mois, la cible de tirs à balles réelles, d'arrestations arbitraires, de tortures et d'expéditions punitives collectives de services de sécurité déchaînés parce qu'assurés de l'impunité dans un pays où la justice est conçue comme un appareil répressif et non comme une institution garantissant le droit. Le mouvement citoyen, né des douloureux évènements du Printemps noir, est un anti-corps que la société a généré parce qu'elle traverse une crise inédite. Le mouvement tire sa force de la conviction citoyenne à faire tomber le régime. Le rejet massif des mascarades du 30 mai et du 10 octobre par la population est un indice probant qui témoigne du grand fossé qui sépare les gouvernants des gouvernés. Que répondez-vous à ceux qui disent que le mouvement des archs est dans l'impasse ? Est-ce dû à un essoufflement ? • Quand on avance des conditions météorologiques pour justifier un taux d'abstention record aux élections, vous convenez avec moi que c'est le pouvoir qui est dans l'impasse. Hormis la répression, les provocations et la manipulation, le régime reste muet devant une révolte qu'il est mal venu et dangereux de traiter en spéculant sur son essoufflement ou sur une quelconque division au sein des rangs du mouvement. Le mouvement citoyen est un mouvement de contestation politique, sociale et culturelle qui trouve sa source dans un besoin de renouvellement d'une jeunesse bloquée par un régime qui gère ses propres intérêts au détriment de la prospérité et de la stabilité de la nation. Il faut simplement remarquer qu'après la dernière victoire du mouvement, le rejet de la mascarade du 10 octobre, il est tout à fait dans la logique des choses que l'on constate un certain “reflux”. Le mouvement est en train de souffler et non de s'essouffler. Le pouvoir tente présentement de réactiver sa clientèle et d'actionner ce qui reste du FFS pour saborder le mouvement. Ces pratiques machiavéliques ne feront qu'exacerber la situation, mais n'entameront en rien la volonté de la population à faire aboutir la plate-forme d'El-Kseur. Quelles sont les actions que vous projetez pour les jours à venir ? • Nous avons organisé, il y a quelques jours, des marches au niveau des chefs-lieux de daïra pour exiger, notamment, la libération des détenus. Ces actions ont été violemment réprimées. Aujourd'hui, un rassemblement populaire est prévu par la Coordination communale de Béjaïa devant le siège de daïra. Nous avons également arrêté le principe d'une action d'envergure nationale pour le 10 décembre (date anniversaire de la proclamation de la déclaration universelle des droits de l'homme). Pour le reste, un conclave ordinaire de la CICB est prévu à Ath Djellil pour jeudi prochain. Parallèlement à ces manifestations et autres actions de rue, nous avons engagé une large concertation au niveau des quartiers et villages pour trouver dans quelles perspectives prometteuses il s'agit de projeter notre mouvement. Comment réagissez-vous par rapport aux APC installées ? • Le pouvoir tout comme le FFS refusent de tirer les enseignements politiques livrés par le rejet massif de la dernière consultation électorale. Dans leur logique de fuite en avant, ils ont accepté l'installation d'APC avec un nombre de voix inférieur au nombre de candidats en lice. Ces APC ne fonctionneront pas pour la simple raison qu'elles n'ont aucune légitimité populaire. Quelle sera la réaction de votre mouvement quant à l'organisation des élections partielles en Kabylie ? • L'organisation des élections partielles est une autre fuite en avant. La population, dans son écrasante majorité, ne votera pas, parce que le pouvoir ne cherche qu'à se légitimer en organisant des scrutins. Les citoyennes et les citoyens l'ont compris, en boudant les urnes. Ils rejettent le régime et ses alliés. Tel est le message politique que l'on doit appréhender. Les partielles connaîtront le même sort que les élections du 10 octobre, parce qu'entre-temps, rien n'a changé. Bien au contraire, et malgré une dégradation sanglante, le pouvoir refuse d'apporter les solutions qu'appelle pareille situation. La stabilité dans la région de Kabylie passe inévitablement par la satisfaction des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur qui s'inscrit dans le prolongement de la plate-forme de La Soummam. K. O.