Résumé : L'interrogatoire du chirurgien s'avéra assez fertile. Nazim est vite pris dans le tourbillon psychologique de la conversation. Le Dr Lyès semblait connaître son métier. Il lui avait demandé d'ôter ses “accessoires” pour mieux l'étudier. Il ne lésina pas sur les mots pour lui promettre de lui redonner non seulement un visage, mais aussi confiance en lui-même. Ses larmes ruisselaient… C'est la fontaine de jouvence, après une sécheresse. - Depuis quand n'as-tu pas pleuré Nazim ? La question le surprend : - Hein… ? Je ne me rappelle plus. J'ai pleuré à l'hôpital lorsque j'ai découvert que je n'avais plus de visage. Puis plus souvent depuis que je suis rentré chez-moi, c'est-à-dire à chaque fois que je voyais les gens me fuir ou que je me contemplais. - Bien. Mais cette fois-ci ta crise de larmes a été provoquée par un rire… - Heu… oui… je suppose. - Je suis plutôt certain. Tu as éclaté de rire, puis tu as pleuré. Tu sais que tu es en train d'évacuer ton trop-plein. Tes plaies intérieures ne demandent qu'à se refermer. Et je vais tout faire pour que ce soit ainsi. Le jour où tu quitteras cette clinique, tu auras non seulement un visage, mais aussi tu retrouveras une grande assurance en toi. Nazim ne répondit pas. Ce docteur pourra-t-il réellement lui façonner un visage, un vrai, avec un nez, un menton, un front, des joues… ? - Je pourrais refaire ton visage et te redonner confiance en toi. Mais le traitement sera long et le résultat dépendra beaucoup plus de toi que de mon scalpel. Il le prend par les épaules et lance : - Tu dois m'aider Nazim… Si tu acceptes de collaborer, nous arriverons à surmonter ensemble cette épreuve. Le Dr Nabil m'a longuement parlé de toi… un peu de ton passé… J'ai été indiscret bien sûr, car le traitement ne donne rien si je ne pénètre pas dans l'âme et le cœur de mes patients. Comprends-moi donc, mon fils. Je te tends une perche, tu dois la saisir sans hésitation et sans appréhension… Là sera notre point de départ. Nazim prend les mains du médecin. Des mains aux longs doigts effilés et qui avaient déjà refaçonné des dizaines, voire des centaines de visages : - Ma vie est entre vos mains docteur. Mon avenir dépendra de vous. On m'a déjà fait vos éloges. Vous êtes un génie dans votre domaine à ce qu'on dit. Je vous en supplie, mettez-fin à mes supplices. Je ne connais plus ni le sommeil ni la quiétude… Je suis prêt à tout pour retrouver non pas un visage, mais un aspect moins effrayant, un aspect qui ne fera plus peur aux gens. Le médecin pousse un soupir : - Je ne suis pas un dieu, Nazim… mais comme je te l'ai déjà précisé, je ferai de mon mieux pour te redonner un visage. Allons, ne sois pas si déprimé. J'ai vu des cas pires que le tien… - Non ! C'est vrai ? Le médecin sourit et se dirige vers une petite commode qui se trouvait au fond du salon. Il en retire quelques dossiers et revint vers Nazim : - Nous allons jeter ensemble un coup d'œil à mes albums. Les photos de mes patients. Vous allez juger par vous-même du résultat définitif de mes opérations. - Je... j'aimerais juste savoir, docteur, si ce que vous avancez n'est pas juste pour me rassurer. - Tu insinues que je ne veux que t'inciter à tenter ta chance, sans garantie aucune ? Nazim soupire : - Excusez-moi… Je ne doute pas du tout de votre volonté, mais, selon le Dr Nabil, je suis un cas désespéré. Le chirurgien lui tapote l'épaule : - Le docteur Nabil ne voulait pas te bercer d'illusions. Dans la plupart des cas critiques, les médecins préfèrent être francs avec leurs patients. Mais, à vrai dire, nous avons toujours quelque chose à proposer même pour les cas les plus désespérés… Ne serait-ce qu'un réconfort moral. Je peux en outre t'assurer que dans ton cas, tous les espoirs sont permis. Jette donc un coup d'œil à mon album. (À suivre) Y. H.