Après l'Independence, le modèle importé ou imposé à l'Algérie a brouillé ses repères historiques et identitaires, lesquels ont pu survivre à tant de conquêtes et de tentatives de dépersonnalisation entreprises depuis des siècles par tant de conquérants. “Nous sommes des Arabes, des Arabes, six millions d'Arabes”. Cette sentence lâchée par Ben Bella au lendemain de l'Indépendance donnait déjà un aperçu de ce qui allait être la place de l'identité amazighe dans une Algérie émancipée du joug colonial. Elle fut l'obstacle majeur à son émancipation. Ce déni de reconnaissance et d'existence a ouvert le chemin à toutes sortes de dérapages. Emprisonnements, répression, exil forcé…, étaient le lot de tout militant se revendiquant “du camp des berbéristes”. La genèse de la revendication tire ses racines du Mouvement national. La crise “anti”-berbériste de 1949 au sein du PPA-MTLD, et l'assassinat de certains de ses initiateurs constituait la réponse des tenants de l'Algérie arabo-islamique à ceux qui défendaient une Algérie, tout simplement algérienne. Les raisons de la trêve entre les “protagonistes” étaient animées surtout “par la priorité d'en finir avec le système colonial”. Juste après l'indépendance de l'Algérie, des anciens maquisards ont pris le relais de la revendication. Leur apport à l'éveil identitaire était sans égal. Le travail de titans réalisé par l'académie berbère sous la houlette de Bessaoud, les pressions des poseurs de bombes de 1976 ont ébranlé bien des consciences et bien des certitudes. Après l'Independence, le modèle importé ou imposé à l'Algérie a brouillé ses repères historiques et identitaires, lesquels ont pu survivre à tant de conquêtes et de tentatives de dépersonnalisation entreprises depuis des siècles par tant de conquérants. La chape de plomb ayant été imposée aux militants, il aura fallu attendre avril 1980 pour voir la jeunesse du Printemps amazigh sonner le glas du monolithisme linguistique imposé par le pouvoir de Boumediene et ensuite par celui de Chadli. L'ostracisme qui frappait l'identité amazighe vola en éclat devant l'acharnement des militants à redresser le cours de l'Histoire. Depuis, la répression vint s'ajouter à la méfiance qui caractérisait les relations, déjà tendues, qu'entretenaient les régions amazighes, notamment la Kabylie et le pouvoir central. La lutte étant “popularisée”, les militants berbéristes revoient leurs revendications à la hausse. Outre tamazight reconnue dans toutes ses composantes, les berbéristes réclamaient un état de droit et la promotion de la démocratie. En 1994, la Kabylie décide, face à la persistance du déni, “de boycotter l'école qui boycotte sa langue”. Manipulation et intox ont émaillé les huit mois de grève, avant qu'un haut-commissariat à l'amazighité, rattaché à la présidence soit installé. Un journal d'information télévisé fut lancé et tamazight fit son entrée à l'école algérienne, après tant d'années d'exclusion. Mais ces concessions du pouvoir restaient insuffisantes aux yeux des militants berbéristes. L'assassinat de Matoub Lounès le 25 juin 1998 remit sur le tapis la revendication identitaire. En dépit de la grande mobilisation, le pouvoir refusa de céder. Il aura fallu l'année 2001, après l'impressionnante démonstration de force des militants kabyles lors des événements appelés communément “Printemps noir” et son lot d'assassinats et de répression -126 jeunes tués- pour que le pouvoir daigne, enfin, institutionnaliser tamazight en tant que langue nationale. Ironie de l'histoire, ce sont les mêmes sénateurs et députés qui ont voté la loi, reconnaissant tamazight, qui étaient peu de temps auparavant les farouches opposants aux revendications de la Kabylie. Cependant, un long chemin reste encore à parcourir pour cette langue millénaire puisque, si elle est admise dans les textes, elle reste confrontée à beaucoup de problèmes sur le terrain ! M M