Après deux jours d'émeutes, retour au calme en égypte ? Pour le deuxième jour d'affilée, la capitale égyptienne était, vendredi, le théâtre d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, qui ont fait quatre morts dans la capitale et deux à Suez, et selon le ministère de la Santé, 1051 blessés, dont un grand nombre de personnes intoxiquées par les gaz lacrymogènes utilisées pour disperser les manifestants. Le feu avait également pris à Suez, la ville d'où s'était propagée la “révolution du Nil” vers la place Tahrir au cœur du Caire, devenue le lieu emblématique du printemps égyptien. Le pouvoir militaire est la cible d'une colère grandissante depuis la mort de soixante-quatorze personnes dans un stade de football à Port-Saïd. Les officiels, les nouveaux dont le parti des Frères musulmans, majoritaire dans la chambre basse du Parlement, ont imputé la catastrophe de Port-Saïd aux partisans d'Hosni Moubarak, chassé du pouvoir le 11 février 2011, soupçonnés de chercher à plonger l'égypte dans le chaos. Une thèse très controversée, car les émeutiers du Caire, qui ont assiégé les locaux du ministère de l'Intérieur, les supporters d'El-Ahly, le club phare de la capitale voire du pays, ont une tout autre idée. Pour eux, “l'incapacité” des forces de l'ordre à assurer la sécurité du match est un complot visant à jeter l'opprobre sur eux. Ce sont certes des “hooligans”, comme il en existe partout ailleurs dans le monde, avec leur code d'honneur et leur organisation, mais ils ont joué un rôle de premier plan lors de la révolte contre le régime de Moubarak. Et c'est une vraie force de frappe avec des dizaines de milliers de jeunes, pour la plupart oisifs, qui n'attendent qu'à en découdre. Les images en boucle de leurs affrontements avec les forces de sécurité et leurs engins blindés, sous des pluies de gaz lacrymogènes, sont, en elles-mêmes, assez significatives. Selon les protestataires sur le “champ de bataille”, pas loin de la place Tahrir où se déroulaient des manifestations pacifiques de démocrates et républicains modernistes, l'objectif n'était pas de prendre le bâtiment, mais “de provoquer une réaction des autorités à même d'élargir la mobilisation contre les militaires qui assurent l'intérim depuis un an”. Une exigence qui converge avec les revendications de la place Tahrir où une coalition de vingt-huit organisations pour la démocratie a organisé des meetings après la grande prière du vendredi pour exiger la fin du pouvoir de l'armée. Les manifestations devront se poursuivre jusqu'à la fin du week-end qui est universel en égypte. Les observateurs auront remarqué l'absence des Islamistes dans ces manifestations pacifiques et ces émeutes. Une absence qui en dit long sur le deal que les Frères musulmans et En-Nour, leur frange salafiste, avaient conclu avec la hiérarchie militaire au pouvoir. Les islamistes ont raflé le fruit de la révolution égyptienne alors qu'ils n'y avaient pas pris part. Et, selon les révolutionnaires, ils auraient exploité la mauvaise gestion de la transition démocratique par l'armée pour sortir grand vainqueur des urnes. La crise est loin d'être close en égypte, comme d'ailleurs, en Tunisie où Ennahda fait l'apprentissage du pouvoir sous la haute surveillance de son propre électorat. D. B