“Sauf à vendre son honneur et son âme, je n'ai aucun argument à vous donner pour une éventuelle participation”, a déclaré Saïd Sadi aux membres du conseil national du RCD, réunis en session ordinaire. C'est officiel : le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) ne prendra pas part aux prochaines élections législatives. La décision a été entérinée à l'unanimité moins deux voix par les membres du conseil national qui se sont réunis hier en session ordinaire au cercle d'El Moudjahid à Alger. Il faut dire que le boycott du RCD des prochaines échéances électorales est loin de constituer une grosse surprise : les dénonciations par les dirigeants du parti, il y a quelques mois déjà, des faits trahissant une fraude annoncée préfiguraient une telle position politique. Quelques membres du conseil national et des militants, rencontrés hier matin, n'envisageaient pas du tout une participation de leur parti aux élections qui, à leurs yeux, serait en totale contradiction avec la ligne que s'est donnée le parti et surtout “invendable” auprès d'une population peu enthousiaste à se rendre aux urnes. C'est dire que la décision du boycott épouse parfaitement l'état d'esprit d'une base récalcitrante. Il y a lieu de relever la présence massive des membres du conseil national, malgré les difficultés de déplacement provoquées par les intempéries dans certaines régions du pays. Même le père de Mohcin Bouterfi, le premier jeune Algérien à s'immoler par le feu début janvier de l'année dernière, est venu de la très lointaine Tébessa pour assister à cette réunion importante. Le président du parti, Saïd Sadi, a donné le là dès son allocution d'ouverture. “Aller aujourd'hui vers l'élection, c'est véritablement renier notre engagement et se rendre complice d'un désastre que nous avons toujours combattu”, explique-t-il. “Les jeunes, qui se sont investis début de l'année 2011 pour le changement, ne nous pardonneront pas une telle grave compromission. Sauf à vendre son honneur et son âme, je n'ai aucun argument à vous donner pour une éventuelle participation”, insiste Saïd Sadi, qui croit dur comme fer que les dés sont déjà jetés. “Tout est mis en place pour que la fraude nous ravage. Ils nous ont réservé quatre sièges. Tous les participants ont négocié leurs quotas. Les islamistes ne sortiront pas vainqueurs parce qu'ils sont saucissonnés”, révèle-t-il. Avec le parasitage de la scène politique, la prochaine Assemblée sera, de son point de vue, une véritable “bouillabaisse parlementaire” qui “n'ira pas au bout de son mandat”. “La prochaine Assemblée fera dans la prostitution. Ils animeront la galerie pendant une année jusqu'à une année et demie, le temps que le problème de la succession soit réglé”, explique-t-il. Qu'est-ce qui a changé par rapport aux précédents scrutins auxquels a participé le RCD ? “Avant, il n'y avait pas les révolutions. Aller aujourd'hui à des élections dans un contexte régional révolutionnaire et un climat national pré-insurrectionnel revient à se mettre du côté du pouvoir, à trahir tous ceux qui revendiquent le changement.” Autres arguments avancés par le président du RCD : un fichier électoral non assaini, la non-signature d'un cahier des charges par l'ensemble des acteurs politiques, absence d'une surveillance internationale massive et qualifiée, etc. Le secrétaire national aux relations internationales, Rafik Hassani, a d'ailleurs présenté un rapport détaillé des rencontres de la direction du parti avec des membres de l'UE. Abordant le prochain congrès du RCD prévu pour la mi-mars, Saïd Sadi assure qu'il a pour but de “prospecter de nouvelles pistes et méthodes pour relancer une nouvelle dynamique alternative”. “Il survient dans une conjoncture régionale marquée par des soulèvements populaires qui ont mis fin à plusieurs dictatures et en ont ébranlé de nombreuses autres”, rappelle-t-il. Il dit tirer un grand motif de fierté de voir les militants et cadres de son parti s'éreinter pour la réussite d'un tel rendez-vous organique pendant que ceux des autres formations s'escriment pour s'acheter une place de député. A. C.