Dans une interview accordée simultanément à Liberté et Planète sport, Abdelkader Drif nous parle de sa dernière rencontre avec Eddir Loungar qui a eu lieu à l'étranger et de la prochaine étape que compte entreprendre ce dernier pour racheter le Mouloudia d'Alger. L'ancien président du Doyen conseille les membres du CA de la SPA Le Doyen de ne pas trop tergiverser et de sceller cet accord avec Loungar, afin de ne pas rater cette reprise tant espérée. Liberté : Vous venez de rentrer de l'étranger où vous aviez eu l'occasion de rencontrer Eddir Loungar paraît-il… Abdelkader Drif : J'ai trouvé un Monsieur Loungar furibard contre tout ce qui se raconte dans la presse nationale, particulièrement sportive, sur des prétendues déclarations surtout concernant les premières conclusions de son engagement. Je dois dire au nom de M. Loungar que dorénavant, il affirme devant l'opinion sportive nationale qu'il se refuse d'accorder, pour le moment, un quelconque entretien à un quelconque quotidien national. Cette décision sous-tend qu'il attend de conclure ou non un accord avec la SPA Le Doyen. Quelle pourrait être la nature de cet accord ? Les responsables de la SPA Le Doyen ont remis à la Holding LM de M. Loungar les éléments d'étude et surtout d'appréciation de l'état réel de cette société (SPA Le Doyen). Les experts ont été chargés de l'étude de ces documents, qui, faut-il le préciser, font partie de deux des plus grands cabinets d'Europe (cabinet Young et Cie). C'est pour vous dire le sérieux qui a été mis pour aborder cette phase importante. Quels ont été les résultats de cette expertise ? Nous devons plutôt parler de sentence pour que les supporters du Mouloudia ne soient pas leurrés. Premièrement, valeur bilan : (Là, il y a une précision : le bilan 2011 ne sera pas arrêté, d'après les responsables actuels, qu'à la fin de ce mois de mars) négatif. C'est-à-dire, résultat 0. Quand une société présente un bilan qui s'apparente à une situation de faillite, il faut être un homme déterminé et résolu pour se lancer dans une telle opération de reprise. Toutefois, M. Loungar affirme que malgré cette situation comptable décourageante, il reste ouvert et fermement décidé à passer au stade des négociations réalistes. Quelle sera la prochaine étape dans ces négociations ? Après avoir constaté qu'il n'y a aucun dividende à tirer du présent bilan, M. Loungar propose au CA de la SPA Le Doyen ou à son représentant, M. Omar Ghrib, d'engager sérieusement la négociation autour de deux points essentiels. Le premier, c'est le rachat des dettes. Cette opération ne peut concerner que les dettes éligibles à un remboursement. En clair, des dettes identifiées par des justificatifs réels. Exemple : salaires impayés, créances du stade du 5-Juillet, notes d'hôtels et de transports… du présent exercice. Là, M. Loungar, s'engage à les racheter et à les régler. Reste maintenant l'éclairage qu'il faut apporter au concept de l'évaluation par un commissaire aux apports de l'histoire du MCA. Franchement, où avez-vous vu un commissaire expert, même désigné par la justice algérienne, évaluer en monnaie sonnante et trébuchante le patrimoine immatériel qu'est l'histoire du club ? À combien peut évaluer un commissaire aux apports le sang des martyrs du club, comme le dit si bien M. Ghrib ? Il faut être sérieux et faire tout ce qui doit être fait pour que le flambeau de l'histoire de ce club passe en d'autres mains dans les meilleures conditions possibles et pour l'intérêt strict et unique du MCA. Un sigle ne se vend pas, il se respecte. Un sigle ne s'évalue pas, on l'honore. C'est pour cette raison que je fais appel encore une fois au peuple du Mouloudia d'Alger, et surtout à ses jeunes supporters pour soutenir cette louable initiative. Le vœu de M. Loungar est d'avoir en face de lui M. Ghrib, qui semble être celui qui tient les commandes, afin de discuter avec lui cette reprise tant espérée. Concrètement, à combien s'élève la dette du club ? l Le niveau de la dette, pas celui de la Grèce (rires), avoisinant les 28 milliards, M. Loungar se pose la question si le fisc et les charges sociales sont compris dans cette assiette ? Il faut éviter de mettre sur la table les dettes fantaisistes, exemple : boucher, supérette… Qu'en est-il de ces 20% que devaient garder les membres du CA et qu'ils ont finalement décidé de céder à Eddir Loungar ? La position de M. Loungar laisse apparaître un certain désagrément. Lors du dîner le réunissant avec les membres du CA, ces derniers ont été catégoriques qu'il était exclu de céder à 100% la société Le Doyen. Chose que M. Loungar a trouvée tout à fait normale en marquant son accord. Mais, dans la nuit du 8 au 9 mars, un e-mail signé par le CA lui est parvenu en lui précisant qu'officiellement, aucun membre et aucune personne ne voudrait de ces 20%. Cela appelle de ma part une réflexion qui me choque. Vous décidez de refuser de monter dans le même véhicule qui doit être dirigé par deux chauffeurs, Eddir Loungar (80%) et le CA en activité (20%). C'est le meilleur moyen pour dire à un investisseur : nous n'avons pas confiance en notre société, pourquoi voulez-vous avoir confiance en elle ? M. Loungar m'a dit : “Personnellement, pour me faire fuir et m'éloigner de mon objectif, ce n'est pas avec de tels arguments”. C'est comme pour le tiers bloquant. Ce concept doit être expliqué à vos lecteurs. Dans toute société commerciale, il existe statutairement (le tiers bloquant) en étant situé entre 34 et 35% du capital investi. Pourquoi ce faire ? C'est tout simplement pour éviter que dans certains cas de la vie de la société, l'actionnaire majoritaire n'outrepasse la loi en matière de gestion de la société. Mais pour avoir droit à ce veto, encore faut-il investir ce pourcentage. Donc dans le cas qui nous préoccupe, pour le moment, le tiers bloquant ne bloque rien du tout. Cette semaine, on a parlé de contacts établis entre certains membres du CSA/ MCA et Amar Brahmia, présenté comme un émissaire de la Sonatrach, pour discuter de la possibilité du retour du club dans le giron de cette société. Qu'en pensez-vous ? Première lecture : s'il s'agit de la ré-implication de la Sonartach avec la reprise du CSA, cela suppose qu'ils veulent mettre fin à cette comédie de ses membres et de son AG. Donc, c'est une initiative louable, voire positive. Mais si l'objectif tend à la reprise da la SPA Le Doyen, c'est une surprise. Cette initiative est-elle bonne ou mauvaise ? Soyons concrets. De quelle manière la Sonatrach, la plus grande société du pays qui a eu le privilège à la demande du défunt Houari Boumediène de gérer la dimension historique du MCA, n'ignore pas que la gestion à la papa est terminée ? Selon vous, quels seraient éventuellement les auteurs de cette tentative de rapprochement avec la Sonatrach ? Je vous rappelle qu'en 2001, j'ai lancé un appel désespéré pour que la Sonatrach ne se retire pas du MCA. L'Association que nous avons créée M. Marif et moi (El Mouloudia, ndlr) avait pour objectif dans une première étape d'aider à l'émancipation du MCA pour son retour progressif à la vie d'un club sans tutelle. Malheureusement, ils l'ont fait autrement et M. Marif a parrainé l'accord que j'ai dénoncé en son temps et qui pour conséquence la situation que vit le club actuellement. Si cela devait se faire, quelle serait votre position ? Si c'est le cas, quoi de plus naturel dans le cadre de cette émancipation dont je parle avoir M. Loungar comme partenaire. L'essentiel aujourd'hui est qu'il existe des initiatives visant à sauver ce club, n'est-ce pas ? Tout à fait. Au-delà de l'esprit clubard et de quelques supputations, c'est peut-être l'arrêt définitif de la descente aux enfers du MCA et l'amorce de son retour à sa mission essentielle de guide et d'avant-gardiste pour notre sport et notre jeunesse. N .A.