Alors que la question du choix entre le tifinagh, le latin ou le caractère arabe pour l'enseignement du tamazight n'est toujours pas définitivement tranchée en Algérie, voilà que des chercheurs universitaires se penchent déjà sur une autre problématique aussi cruciale que la première, à savoir celle de l'unification du lexique, la terminologie et les néologies berbères dans un contexte sociolinguistique marqué par plusieurs variations régionales. Ce gros chantier, sans doute déterminant pour l'avenir de tamazight, a constitué le centre de gravitation du colloque international sur “l'aménagement linguistique” qui s'est ouvert lundi dernier à l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Les nombreux spécialistes des universités de Tizi Ouzou, de Béjaïa, de Lausanne, du Maroc, de Toronto, d'Angers et Barcelone qui ont pris part à ce colloque estiment que cette question ne peut être prise en charge que dans le cadre d'une politique d'aménagement linguistique de tamazight. Or, est-il souligné dans l'argumentaire même du colloque, “malgré les travaux de recherche réalisés dans ce domaine, il n'existe pas de politique de l'aménagement linguistique du tamazight ni de groupe de réflexion dans les deux départements de Tizi Ouzou et de Béjaïa”. Pire encore, estiment les organisateurs du colloque, “il n'y a jusque-là même pas de consensus sur les néologies et les terminologies de spécialité utilisées dans les cours données en langue amazigh”. Pour eux, les travaux réalisés dans le domaine académique ou émanant de recherches personnelles d'enseignants ne sont ni exploités, ni diffusés et par conséquence restent inconnus. Mais débattant du bilan et perspectives de l'aménagement de la langue amazighe, les chercheurs algériens en la matière estiment qu'“avec l'existence du laboratoire en aménagement et enseignement de la langue amazighe, l'occasion est donnée pour assurer une réflexion sur l'aménagement de la langue amazighe et de son statut, surtout avec l'avancée de la question berbère, son introduction dans le système éducatif et les télécommunications ainsi que sa reconnaissance comme langue nationale en Algérie”. À ce titre d'ailleurs, la présidente du colloque, Mme Noura Tigziri, a indiqué, en marge du colloque, qu'un projet d'unification de la langue berbère qui touchera les trois registres de la didactique, la linguistique et la littérature est en cours d'élaboration et la tâche est assignée aux trois départements de la langue et culture amazighes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira. C'est pour mener à bien cette mission qu'elle a émis le vœu de voir le département de tamazight érigé en institut qui puisse se donner les moyens nécessaires au lieu de continuer à compter seulement avec les travaux réalisés par des étudiants. Sur ce même point de l'unification du berbère, Mohand Akli Salhi a expliqué dans communication que depuis l'ouverture de la licence en langue et culture amazighes en 1997, une entreprise de création terminologique en littérature a été lancé et aboutit à la rédaction totalement en Kabyle d'un dictionnaire de littérature qui contient la définition et l'illustration de 93 concepts de l'analyse littéraire. Ce qui paraît insuffisant tant, a estimé Saïd Hassani de la même université de Tizi Ouzou, l'aménagement d'une langue suppose l'intervention à deux niveaux : interne et externe. Si au niveau externe, a-t-il jugé, la langue amazighe est promue langue nationale depuis 2002, concernant le niveau interne, mis à part des initiatives individuelles et de certains groupes, il n'y a aucune instance qui s'occupe de problèmes d'aménagement de la langue amazighe dont la mission est centrée sur l'élaboration des normes standard. Pour lui, “aménager une langue c'est la doter de moyens et d'outils d'enseignement et de communication, d'unifier sa graphie et élaborer une grammaire normative et un lexique de référence qui serviront à l'épanouissement et la diffusion de la langue”. Un choix d'une norme qui pose encore problème dans le cadre de son enseignement tant la langue kabyle connaît plusieurs variations régionales, selon Seidh Chalah. Ce qui a amené les participants au colloque à se pencher sur ces variations phonétiques, phonologiques, morphologiques et sémantiques tout en proposant à chaque fois des pistes concernant l'aménagement du lexique berbère. Dans un autre registre, à savoir celui de l'évolution de l'enseignement du tamazight, le bilan a été jugé critique tant si au niveau universitaire des acquis sont enregistrés, son enseignement à l'école est passé de 16 wilayas en 1995 à 6 en 2012. Le nombre d'enseignants est, certes, passé de 233 à 1265 enseignants mais son enseignement est concentré dans les seules régions berbérophones. S L