Soheïb Bencheikh a démenti avoir donné consigne de voter Front national pour la présidentielle française. Bien au contraire, il avoue à Liberté préférer les socialistes. Religieux anarchiste et rebelle comme il se présente, le théologien, ancien grand mufti de Marseille, se situe philosophiquement à gauche, à l'extrême gauche, et ce serait le comble du masochisme pour lui, militant des droits des minorités, d'appeler à voter à droite. Mais s'il est appelé à faire “un malheureux choix”, il opterait pour “l'original FN contre la copie Sarkozy”. “Si la douloureuse alternative s'impose à moi, je choisis l'original Front national et non la copie Sarkozy”, dit-il. Car, a-t-il précisé, le président-candidat “n'a pas de conviction”. “C'est un danger sournois doublé d'une médiocrité”, a-t-il ajouté. Il accuse le président Sarkozy de provoquer la décadence de la civilisation européenne, française surtout. Il en porte, selon Bencheikh, les symptômes de la décadence, le malheur. Il trouve “dommage que la France annonce le début de cette décadence”. Raison pour laquelle il appelle à voter à gauche. Le religieux anarchiste, qui s'oppose à toute forme de pouvoir non consenti, s'insurge également contre ce qui est devenu l'affaire halal. Aussi, lance-t-il un défi à quiconque trouvera un argument religieux, en dehors des “cadavres, viande de porc et le vin”. Versets coraniques à l'appui, il démontre que le halal n'a aucune existence religieuse. “C'est une affaire de commerce”. Il déplore à ce propos “la talmudisation de notre religion”. Sur les révoltes arabes, il a tranché en soutenant les peuples. “Je suis avec les peuples. Je n'ai pas la moindre sympathie pour les dictateurs”. Il affirme, toutefois, ne pas souhaiter cette violence en Algérie. Il avertit, cependant, que “la révolte ne prévient pas”. Cela dépend évidemment des politiques au cas où ils n'auraient pas compris le message. Il souhaite, pour l'Algérie, “une transition réelle et souple vers le respect de la citoyenneté”, tout en déplorant la persistance de “l'ancien, ennuyeux et nauséabond discours politique”. “C'est un danger pour l'intelligence, un crime contre l'intelligence et la respectabilité de l'Algérie”, a-t-il déclaré. Il en veut également aux islamistes qui “ont spolié notre patrimoine commun”, la religion. Cette religion qui “n'est même pas la propriété des musulmans, n'a aucun tuteur, car elle est un message universel”. “Nous n'avons que des lectures de l'Islam”. La création de partis politiques islamistes est pour lui “l'hérésie du 20e siècle”. “C'est une tumeur maline dans le corps de notre religion”, a-t-il défini ces partis. Il n'a pas omis de préciser qu'ils sont au gouvernement, le gouvernement où l'on trouve “des islamistes déclarés et d'autres non déclarés”. Pour preuve, a-t-il souligné, les deux décennies (il n'y a pas que la décennie noire pour lui), celle que nous avons vécue dans notre chair et notre honneur et celle qui nous a fait perdre espoir et le droit de rêver. “Nous sommes encore dans un tunnel et nous ne voyons toujours pas de lumière”, résume-t-il la situation. Son ton sera encore plus virulent lorsqu'il évoque les salafistes. La montée des salafistes est, d'après lui, une réponse, une réaction épidermique au rejet de l'Occident. Le rejet de l'Occident a engendré cette secte avec sa branche dite scientifique et sa branche jihadiste. Les salafistes s'appuient sur des hadiths sans références reconnues. Il refuse leur tendance à axer sur l'accessoire notamment l'apparence et l'aspect vestimentaire, “cette façon ridicule de se perdre dans le folklore”, selon lui. “Nous n'avons pas la même religion. Ils ont leur religion, j'ai la mienne”, a-t-il tranché. Il a d'ailleurs souhaité que l'Etat algérien ne fasse pas l'erreur de reconnaître des partis salafistes. DB.