La confusion règne à Bamako même si les activités commencent à reprendre leur cours normal, et les habitants font toujours face, dans certaines stations-service, à la pénurie d'essence, dont le prix du litre a littéralement triplé. “Nous les avons prévenus que cela ne marcherait pas et que le retour à un ordre constitutionnel ne souffre aucune condition”, c'est le message délivré par une délégation des Nations unies, de l'Union africaine et de la Cédéao aux putschistes de Bamako, a annoncé Saïd Djinnit, représentant spécial pour l'Afrique de l'Ouest du secrétaire général de l'ONU. Selon le diplomate algérien, les chefs de la junte militaire ne disposent pas de calendrier pour restituer le pouvoir aux civils. “Le temps ne joue pas pour eux. Plus ils resteront au pouvoir, plus cela sera compliqué”, les a-t-il avertis. C'est la confusion totale, quatre jours après le coup d'Etat contre le président malien. À l'incertitude sur la situation militaire, s'ajoute l'incertitude politique sur les projets de la junte qui a renversé mercredi le président malien ATT. À cinq semaines du premier tour de la présidentielle prévu le 29 avril, le coup de force a été condamné dans une déclaration commune par 12 des principaux partis politiques maliens, fragilisant un peu plus la position des mutins. Un responsable de l'un de ces partis, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), a été brièvement interpellé par des militaires à son domicile de Bamako puis relâché peu après, après avoir reçu les excuses du chef de la junte pour son arrestation. Trois autres hommes politiques, qui ont requis l'anonymat, ont indiqué être entrés en clandestinité, parce que, selon eux, recherchés par des hommes armés. Le coup d'Etat a été unanimement condamné sur la scène internationale : par les pays voisins, les organisations de la région, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE), la France ou encore les Etats-Unis. La Cédéao menace d'organiser la contre-offensive, comme elle l'avait fait contre le président Gbagbo, qui refusait de céder son fauteuil présidentiel à Ouattara, donné gagnant à l'élection présidentielle. Le capitaine Sanogo, chef proclamé de la junte, n'a pas reçu la délégation de la Cédéao venue à Bamako exiger le rétablissement d'ATT dans ses fonctions présidentielles. Sanogo a juste concédé à autoriser le départ des ministres kényan et zimbabwéen des AE ainsi que le secrétaire d'Etat tunisien en charge des Affaires africaines, bloqués dans la capitale depuis le coup d'Etat. Les frontières terrestres et aériennes du pays restaient fermées depuis jeudi, et un couvre-feu est en vigueur de 18h00 à 6h00. La confusion règne à Bamako, même si les activités ont repris leur cours normal samedi matin. Les habitants font toujours face, dans certaines stations-service, à la pénurie d'essence, dont le prix du litre a littéralement triplé. En outre, des rumeurs continuent de circuler sur une reprise du pouvoir par les forces loyalistes au président ATT, ou bérets rouges. Rumeurs très vite démenties par la junte, qui fait régulièrement des communiqués sur les antennes de la Radiotélévision nationale. Les mutins, qui avaient pris l'ORTM le 21 mars vers 17h, ont lu une déclaration aux alentours de 4h30, annonçant la dissolution de toutes les institutions et la création du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE), dont le chef est le capitaine Amadou Haya Sanogo. L'incertitude planait encore hier matin sur le sort de l'ex-désormais chef de l'Etat après son exfiltration du palais présidentiel de Koulouba à la suite de violents combats ayant opposé mercredi des éléments de son corps d'origine de parachutistes commandos à des mutins lourdement armés. Le doute avait été quelque peu dissipé jeudi par des propos du chef de la junte affirmant que l'ancien président se portait bien. Le sort du président Touré reste pour l'instant toujours inconnu, on ignore si, protégé dans un endroit inconnu par des militaires loyalistes, il préparerait la contre-offensive, comme l'assurait son entourage, ou s'il est prisonnier des mutins. Des sources bien informées dans la capitale malienne ont révélé que le président ATT a été, après son arrestation, conduit directement au camp militaire de Kati. Dans cette même garnison qui sert de base à la junte, se trouveraient également détenus des hauts gradés de l'Armée et des ministres. Tous seront déférés devant les juridictions compétentes, a affirmé le chef de la junte dans sa première interview à la télévision. Des incidents de sécurité, vols de voitures et pillages par des hommes en uniforme et tirs sporadiques continuaient d'être signalés dimanche à Bamako, alors que les premières heures du putsch avaient été marqués par de nombreux pillages, pour lesquels le chef de la junte s'est “excusé” et auxquels il s'est engagé à mettre fin. D. B