Le développement d'une filière de sous-traitance de pièces de rechange en Algérie est-elle possible ? Quelles sont les préalables pour voir les équipementiers convaincus venir s'installer en Algérie ? Pour y répondre, nous sommes allés sonder ceux qui font le volume et la vitrine du marché de l'automobile en Algérie : les concessionnaires. A priori, le discours des concessionnaires, notamment ceux structurés au sein de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), est en train de changer en acceptant l'idée de s'impliquer dans l'effort de localisation de l'industrie de la pièce de rechange. En effet, après avoir expliqué pendant des années que les équipementiers étaient indépendants dans le choix des sites d'investissement, les concessionnaires automobiles changent de ton en affirmant qu'il y a possibilité de les convaincre ne serait-ce que pour servir le segment du service après-vente dont les besoins croissent au rythme de l'évolution et du renouvellement du parc automobile national. Pour Noureddine Hassaïm, président de l'AC2A, “le potentiel d'installation d'unités pour la fabrication des pièces de rechange existe. Mais nous devons y aller progressivement. S'attaquer au marché de la pièce de rechange gêne énormément d'intérêts”. Le porte-parole des concessionnaires, qui s'exprimait à quelques heures de l'ouverture du Salon international de l'automobile d'Alger, n'en dira pas plus. Seulement, des sources proches de l'organisation qu'il préside indiquent que la récupération du marché de la pièce de rechange intéresse au plus haut point les concessionnaires auprès des marques qu'ils représentent.Sous prétexte de lutte contre la pièce de rechange de contrefaçon, au demeurant vrai fléau, des représentants des constructeurs automobiles entreprennent un lobbying pour l'organisation et pourquoi pas l'interdiction des pièces de rechange de seconde monte. Il est important de préciser que les pièces de seconde monte sont des pièces neuves d'origine qui proviennent le plus souvent des équipementiers qui fournissent les constructeurs automobiles. La qualité et les garanties sont identiques sauf que ces pièces ne sont pas estampillées du logo du constructeur ou alors comportent plusieurs logos pour des véhicules de marques différentes. C'est ce qui est désigné par les revendeurs de pièces détachées algériens de pièces “adaptables”. Ainsi, les concessionnaires voudraient que seules les pièces sorties des centrales d'achat des constructeurs puissent rentrer sur le marché. Pour M. Hassaïm, il existe aussi le phénomène de la pièce contrefaite qui annihile toute rentabilité dans une fabrication de composants pour voitures. “Il faut commencer d'abord par nous protéger notamment sur le plan douanier”, conclut-il. De son côté, M. Omar Rebrab, DG de Hyundai Motor Algérie, estime que les atouts pour faire émerger une industrie locale existent mais il faut réunir les conditions à commencer par le bannissement de la bureaucratie et la facilitation de l'acte d'investir. Omar Rebrab, DG de Hyundai : “Nous envisageons de fabriquer du verre pour automobile” “Nous appartenons à un groupe qui a maîtrisé en quelques années le processus complexe de fabrication du verre plat. Nous fabriquons aussi des bennes et nous faisons du montage qui n'a rien à envier à ceux des grandes industries”, souligne Omar Rebrab, qui enchaîne sur la volonté de son entreprise d'aller vers la fabrication du verre pour automobile. “Le coût du gaz est avantageux et nous avons les moyens d'opérer un transfert de savoir-faire rapide. Pour le verre automobile, il suffit de ramener des moules adaptés aux modèles automobiles pour lesquels nous sous-traiterons ! Nous avons un projet dans ce sens. La même approche peut être préconisée pour les composants en plastique, ce qui ne manquera pas de donner de la valeur au pétrole”. Mais avant d'entreprendre la filière, le premier responsable de HMA repose à son tour la question de la protection de l'investissement en rétablissant aux frontières des barrières aussi bien pour juguler la pièce de contrefaçon que pour taxer à un niveau dissuasif ceux qui ramèneraient des pièces produites localement. Notre interlocuteur relèvera, également, la question de la rentabilité globale d'un projet d'usinage local en signalant le coût trop élevé d'accès au foncier, l'investissement à proprement dit et l'existence d'un plan de charge. Pierre Labbé, DG de Diamal — filiale algérienne de CFAO — témoigne, à travers l'expérience de son entreprise, de la possibilité de faire de la valeur ajoutée in situ. Et l'exemple qu'il cite est édifiant. “Nous importons des composants que nous montons nous-mêmes sur nos véhicules”, dit-il, avant de préciser qu'“aujourd'hui Diamal produit 10% de valeur ajoutée localement. Seulement voilà, la bureaucratie douanière limite notre capacité de faire plus”. Pierre Labbé ne comprend pas comment il faille moins de 48 heures pour dédouaner un véhicule et des semaines voire des mois pour faire sortir des containers d'équipements à monter. “Les deux produits, observe le DG de Diamal, prennent des itinéraires administratifs différents faisant qu'au final une voiture sort immédiatement de l'enceinte portuaire alors que des lots de pièces et de composants prennent plusieurs semaines en raison des formalités et de la batterie des contrôles nécessaires. On pourrait commencer par simplifier le processus à ce niveau-là”. À noter que le marché algérien de la pièce de rechange est actuellement évalué à 500 millions de dollars américains. M. Y.