En ce mois printanier, lors de diverses cérémonies festives et autres commémorations dont celle du 8 mars, les organisateurs - compte tenu, certainement, du nombre important d'invitées - n'ont pas trouvé mieux pour accueillir la gent féminine que de lui offrir une rose rouge artificielle, à la corolle bordée de paillettes dorées, enveloppée d'une feuille de plastique rigide. Une attention, certes, mais qui n'est pas du goût de toutes les femmes. Un gadget - outrageante copie, sans parfum, sans âme - dont la vente s'est généralisée aux fleuristes, aux bureaux de tabac, boutiques de cadeaux et souvenirs de Blida, appelée encore “ville des Roses”, comme d'El Affroun, ville de la Mitidja qui embaumait, en toutes saisons, des fragrances de fleurs de toutes sortes dont bon nombre sont, aujourd'hui, oubliées sinon inconnues. Qui se souvient des freesias, asters, anémones, renoncules, violettes, pensées, pois de senteur, pieds d'alouette, marguerites, gueules de loup, iris, giroflées, dahlias, tulipes, arums, glaïeuls, lys et tubéreuses, œillets au parfum délicieux et aux variétés et couleurs multiples… qui se disputaient la place sur les présentoirs des fleuristes d'Alger et Blida ? Un ravissement pour l'œil, l'âme et le cœur ! Qui se souvient aussi du magasin Franco Fleurs d'Alger qui, jusque dans les années 80, proposait, tout au long de l'année, plantes d'appartement et fleurs à livrer à domicile sur le territoire national comme vers l'étranger ? En ce temps-là, les roses aux variétés et couleurs diverses pour des bouquets destinés à différentes circonstances, ne manquaient jamais. Le printemps, c'était un festival enivrant de floraisons et d'exhalaisons odorantes, éclatant de toute part généreusement : dans les intérieurs, les magasins, les salles de classe, les cours, les bordures, les jardins, les champs, sur les palissades, les tonnelles, les clôtures… Une exubérance ressourçante, une renaissance prometteuse, chaque année renouvelée. À l'heure actuelle, les roses, du fait de leur rareté (même en dehors de la mauvaise saison où la culture sous serre – de préférence, en verre avec acclimatation adaptée, irrigation aérienne et souterraine - pourrait pallier l'insuffisance), coûtent 150 et 200 DA pièce, voire plus quand elles entrent dans la composition d'un bouquet “spécial fiançailles” ou “cortège de mariée”. Elles n'ont aucun parfum si ce n'est celui vaseux de l'eau dans laquelle leur tige a trempé et ne tiennent pas deux jours dans un vase. Elles viendraient du Maroc mais encore, selon certains fleuristes, de Hollande (!!!) – le pays des tulipes à près de 2 000 km d'Alger. D'où la profusion de roses en plastique qui, au train où elles se “multiplient”, se vendent et s'offrent. Elles finiront par s'imposer et faire oublier, sinon disparaître, le modèle naturel. Un crime ! F S