Le tsunami égyptien a fait trembler presque tout le monde, à commencer par les voisins, tous les voisins ! sans oublier les grandes capitales internationales, à commencer par Washington. Il avait fait trembler aussi et avant tout la bourgeoisie égyptienne, politique et financière, qui a proliféré pendant les 32 ans de règne de Moubarak et sa famille. Le 11 février 2011, l'armée s'est présentée comme le protecteur du peuple égyptien contre la répression de la police politique, connue pour sa férocité. Elle a ainsi forcé l'admiration du peuple et devenue la première référence nationale. Dès le début, et à la lumière du déroulement de l'activité politique, caractérisée par des insuffisances certaines et faux pas inexplicables, tout le monde s'est trouvé confronté à un dilemme. Est-ce que le CSFA (Haut Conseil des forces armées) est constitué d'un groupe d'amateurs qui s'était trouvé au poste de commandement sans qu'il soit préparé, ou bien le HCFA savait très bien ce qu'il faisait. Une autre question encore plus grave s'est posée : Est-ce que le Conseil a compris qu'il est le fruit d'une révolution qui voulait destituer le régime dictatorial en place ou simplement il fait lui-même partie du régime, et qu'il va manœuvrer pour maintenir le moubarkisme sans Moubarak ? La seule force bien organisée sur la place politique était le mouvement des Frères musulmans, qui a subi pendant des décennies l'oppression du régime mais qui a maintenu intactes ses structures organiques. Au départ, ils ont hésité à rejoindre le mouvement révolutionnaire. Les Salafis ont pris carrément position contre les révolutionnaires dès le début, en clamant que le peuple doit l'obéissance absolue à El-Haakim quels que soient ses crimes. Mais les jeunes islamistes, notamment ceux des Frères musulmans, avaient une autre attitude. Ils ont participé d'une façon effective et remarquable aux manifestations, en ignorant les mots d'ordre donnés par leurs chefs. La place Tahrir a vu une masse unie de jeunes révolutionnaires dans laquelle personne ne pouvait distinguer un musulman d'un chrétien, ou un islamisant d'un libéral. Quand les truands de l'ancien régime ont attaqué les manifestants en utilisant des chameaux, les jeunes islamisants ont participé énergiquement avec les autres pour défendre les moins jeunes et les filles de la place. C'était un signal d'alarme pour les directions politiques, toutes appartenances confondues, devant l'émergence d'une véritable légitimité révolutionnaire. Les dirigeants des FM et des Salafis se sont trouvés dans l'obligation de prendre le train en marche, ils étaient accueillis à bras ouverts par le CSFA. L'intelligentsia égyptienne a vite déduit qu'il y avait un “deal” malsain entre les militaires et les “fréros”. Entre temps, les forces révolutionnaires ont constaté qu'aucune sanction n'a été prise contre les responsables des forces de l'ordre qui avaient massacré les manifestants. Pire encore, l'instrument de la répression de jadis était toujours à pied d'œuvre, et l'Egypte a vécu une période d'insécurité sans précédent, accompagnée d'un mouvement quasi général de contestation sectaire, qui semble être orchestré par le pouvoir sur place pour créer une ambiance anxiogène. Les soupçons se sont confirmés lorsque le calme absolu a été instauré pendant les trois semaines des élections législatives. Avec la sécurité assurée durant cette période, le pouvoir a décidé d'une amende de 500 pound (presque 10 dollars) contre les abstentionnistes, dans un pays ou 40% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. C'est ainsi que les élections ont donné aux islamisants la main haute dans les deux chambres du Parlement. Le conseil militaire lance une campagne de dénigrement contre les jeunes manifestants, les accusant, sans preuves formelles ou informelles, d'être à la solde des puissances étrangères, qui menacent la sécurité nationale, la stabilité de l'Egypte et le pain quotidien du citoyen !!! Plus grave encore, une confusion malsaine a été entretenue entre le rôle politique du Conseil et la mission nationale de l'institution militaire. Aussi, chaque critique d'une démarche politique du Conseil est aussitôt considérée comme une insulte à l'armée, voire une trahison au pays. L'objectif était simplement de faire taire toute critique et de dresser l'ensemble de la population contre l'avant-garde, qui a tant sacrifié contre la dictature, oubliant que c'est bien les jeunes manifestants qui ont donné sa légitimité au HCFA et aux institutions post-révolutionnaires. Les dirigeants des partis politiques n'ont pas levé le petit doigt contre les tentatives de la marginalisation des jeunes révolutionnaires. C'est ainsi que les forces qui ont profité de la révolution ont œuvré pour mettre fin à la "LEGITIMITE REVOLUTIONNAIRE", et au rôle politique des jeunes indomptables de la place Tahrir. Les jeunes étaient animés d'une bonne volonté et d'un esprit remarquable de sacrifice mais ils étaient pratiquement sans expérience politique, sans direction stratégique et surtout sans structure pyramidale organisée. Les élections législatives ont donné aux islamistes une majorité très importante (plus de 60% des sièges) mais l'Egypte a vécu un comportement arrogant et insolant de leur part, qui a fait regretter à pas mal d'Egyptiens leur choix électoral. Les dirigeants islamistes n'ont pas profité de l'expérience algérienne, et ils ont ignoré totalement l'exemple tunisien et marocain, pour ne pas citer la Turquie. Après avoir obtenu la majorité parlementaire, ils se sont précipités à la formation d'une Assemblée constituante de 100 membres, en manœuvrant pour avoir une majorité anormale pour une assemblée qui devait refléter le consensus national. Cela avait comme conséquence une levée de boucliers dans la place politique, et notamment au niveau des libéraux, des intellectuels, et surtout chez les chrétiens, qui constituent presque 15% de la population. Ivres de leur majorité, les dirigeants islamisants commencent à menacer Al-Ganzouri, le chef du gouvernement qui a été choisi par le Conseil militaire. Puis ils ont décidé de présenter un candidat à l'élection présidentielle, bien qu'ils aient déclaré auparavant qu'ils se contenteraient de leur majorité législative. La situation tourne au vinaigre, et le Conseil devient furieux suite à l'ingratitude des islamisants. Une nouvelle carte est jetée sur la table politique. Le général Omar Souleimane, ancien patron de la toute puissante SM, et peut-être son actuel référence suprême, se présente comme candidat à la présidence. Il a réussi à avoir, en trois jours seulement, cent vingt mille procurations, légalisées par le service juridique concerné. Le général Souleimane se présente comme le sauveur de la nation de l'anarchie, de l'insécurité et du chao socio-économique. Pas d'espoir d'avoir un Napoléon, étant donné que les généraux Chazli, Gamassi et Riad ne sont plus de ce monde. Les FM commencent à récolter les fruits de leur arrogance. Les mauvais esprits se souviennent de la déclaration de Mostapha El-Fiki, ancien président de la commission des Affaires étrangères de l'ancien parlement, disant que le futur président de l'Egypte doit avoir la bénédiction de Washington et l'accord d'Israël. Les plus malins se rappellent de Ion Iliescu, adjoint intime de Nicolae Ceausescu, qui a volé la révolution roumaine en 1989 et a enterré, une deuxième fois, les victimes de Timisoara. Dr M. A.