Une fois de plus, Yasmina Khadra ne laisse pas indifférent et attire les foules, entre admirateurs et détracteurs, l'auteur s'est prêté au jeu des questions, réponses avec ses lecteurs, samedi après-midi, à l'Institut français d'Oran, qui a dû avoir recours à la vidéoconférence pour permettre à tous les invités de suivre l'événement. C'est son dernier ouvrage aux éditions Casbah sous le titre Les chants cannibales, qui a donné lieu à une vente-dédicace, pour ce qui est un recueil de 13 nouvelles écrites dans les années 1980 et revisitées par l'écrivain comme expliquera ce dernier. Un exercice littéraire qui reste différent à produire, “une nouvelle, c'est plus contraignant, c'est une idée, alors qu'un roman c'est un destin…”, dira à ce sujet Yasmina Khadra, avant d'expliquer comment se construisent ses ouvrages, comment viennent à lui ces destins. “Je ne fais pas de plan, généralement, mon travail est conçu par mon expérience militaire, je conçois mes romans dans ma tête, ni plan ni notes… J'écris pour trouver des réponses à mes questions.” L'une de ses nouvelles consacrée à Ahmed Zabana n'est pas née de l'envie de réécrire l'histoire, mais a répondu à un besoin, celui de retranscrire comme écrivain, le destin et le combat de cet homme dont il découvrit toute la dimension et surtout le martyr et l'abnégation alors qu'il était à peine âgé de 8 ans. Et de lâcher avec conviction : “Personne ne peut réécrire l'histoire, on a beau l'instrumentaliser elle appartient à la mémoire collective des Algériens.” À maintes reprises, l'auteur prolixe se mettra à évoquer encore d'un point de vue plus politique l'Algérie d'aujourd'hui, lui, le directeur du CCA à Paris, un poste qui revient sur la table à chacune de ses sorties comme pour lui faire toucher ce qui, aux yeux de beaucoup, est une contradiction. Contradiction dont il se défend et qu'il assume comme d'autres, par rapport à son parcours, sa propre histoire (cadet da la nation, cadre de l'armée) mais qui, quelque part, est également source de souffrance. D'ailleurs, Yasmina Khadra se laissera aller à quelques nostalgies répétant à maintes reprises : “Les années 1960-1970 ont produit des gens de valeur, de talent, à l'époque il y avait des gens corrects, courtois, il y avait de la solidarité, de la pudeur, c'était aussi l'incarnation de toutes les victoires de l'Algérie sur l'injustice.” Plus loin, le parallèle sera fait avec l'Algérie d'aujourd'hui, où certains se distinguent plus par leur stupidité. “Ils ont abruti toute une nation… Il y a quelque chose qui cloche, il y a comme une volonté de nuire au pays, et qui veut assassiner une nation, détruit l'école”, lâchera Khadra sous quelques applaudissements. Il se laissera encore aller en disant sous les rires des présents dans la salle, “il faut tirer les oreilles du ministre de l'Education”, en déplorant qu'aujourd'hui dans les écoles et dans les universités, aucune place n'est faite aux écrivains algériens, surtout à lui, aucune tentative de faire découvrir la lecture aux jeunes. Et de revenir encore sur sa souffrance de gamin à l'école des cadets, “enfant traité comme un adulte et malgré le fait que c'était un univers qui ne favorisait pas la pensée” il s'est construit en tant qu'écrivain en découvrant les grands auteurs de ce monde, qu'ils soient algériens ou autres et qui restent universels. Pour lui, malgré cette lente descente aux enfers ou la marche forcée vers la médiocrité, “l'Algérie ne sombrera jamais, elle est entourée de rejetons, d'avortons mais la nation restera éternelle”. D. L