“Le pouvoir a cassé la société civile.” Le constat n'est ni d'un irréductible opposant ni d'une ONG étrangère, mais de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Lors d'une conférence de presse animée hier à Alger, le nouveau président de la Laddh, fraîchement élu, Me Noureddine Benissad, a établi un constat critique sur la situation des droits de l'Homme en Algérie. Arrestations arbitraires de militants, harcèlement contre les grévistes, fermeture des médias lourds à l'opposition, absence de débats contradictoires, une justice aux ordres, sont autant de griefs retenus par la Laddh contre les tenants du pouvoir. “Malgré la levée de l'état d'urgence, on constate la persistance des mêmes méthodes”, relève Me Benissad. Dans ce contexte, il dénonce l'arrestation qualifiée “d'arbitraire” du militant des droits de l'Homme, Abdelkader Kherba, arrêté lors d'un sit-in des greffiers à Alger. Actualité oblige, l'avocat n'a pas manqué de relever, comme nombre d'observateurs, le peu d'engouement des Algériens au scrutin du 10 mai prochain. “Apparemment, les Algériens ne sont pas intéressés par cette élection, au regard de la campagne”, dit-il. Mais, au-delà, il s'interroge sur l'existence d'une vie démocratique dans le pays. “Les élections ne sont pas une finalité en soi. Il faut analyser le processus de manière générale. Est-ce que les éléments constitutifs de la démocratie sont là ?” s'interroge-t-il. “Il n'y a pas de débats contradictoires. Il faut que les médias lourds s'ouvrent. Ceux qui ne participent pas ont le droit aussi de s'exprimer”, observe-t-il, par ailleurs. Selon l'avocat, le pays est “en transition permanente”. “Elle ne veut pas se terminer”, ironise-t-il. Interrogé sur l'existence d'éventuels centres de détention secrets, comme soupçonné souvent par des ONG internationales, Me Benissad a indiqué que son association n'a pas “été saisie à ce jour sur des cas avérés”. “Au niveau de la ligue, lorsqu'on reçoit des plaintes, on essaye de vérifier. À ce jour, on n'a pas été saisi de l'existence de centres de détention. Quant à la torture, on a eu un cas à Constantine que nous avions dénoncé et où une enquête a été ouverte à l'issue de laquelle les personnes impliquées ont été traduites devant le tribunal.” Contrairement à la CNCPPDH de Me Ksentini qui appelle à l'amnistie générale, la Laddh réitère la nécessité de faire la lumière sur le sort des disparus et traiter les causes à l'origine des drames survenus dans le pays. “On ne peut pas fermer ce dossier. Un pays ne peut pas avancer sans connaître la vérité. Il faut connaître les causes du drame pour mieux appréhender l'avenir. Et pour aller à l'amnistie générale, il faut connaître la vérité. Il faut traiter les causes”, plaide-t-il. Enfin, Me Benissad a tenu à rappeler que la Laddh demeurera un “contre-pouvoir indépendant et une force de propositions”. “Nous continuerons à dénoncer et à faire un travail pédagogique”, conclut-il. “Baba Nedjar est innocent” Le président de la Laddh a plaidé pour la réouverture du procès de Baba Nedjar, en prison et présumé coupable d'homicide. “Nous demandons la réouverture de son procès. On est loin des normes internationales d'équité. Baba Nedjar est innocent, il est poursuivi pour ses opinions politiques”, a affirmé Me Benissad. K K