Alors que Nicolas Sarkozy se vautre dans la politique de la terre brûlée, durcissant de plus en plus le ton contre les immigrés du Sud méditerranéen et les musulmans, pour draguer l'électorat de Marine Le Pen, rien n'y fait, les sondages le donnent perdant au second tour… Le malaise enfle à l'UMP, où des voix et des courants dénoncent aujourd'hui son inclinaison hyper droitière. À une semaine et demie du second tour, la campagne du président sortant sent le roussi au point où, en France, on se demande où il va s'arrêter dans la surenchère. À entendre ses dernières saillies, son rival, donné gagnant par les sondages, serait un agent infiltré de l'islamisme ! Rien que ça. Nicolas Sarkozy s'est emmêlé les pinceaux, peu lui importe. Il a admis le principe lepéniste de la préférence nationale, après avoir dit le contraire la veille. Il a convoqué un meeting sur le “vrai travail” pour le 1er mai. Accusé de pétainisme, il a dit que ce mot était effectivement malpropre… bref, le désarroi dans le but de siphonner les voix de Marine Le Pen, 6,4 millions de bulletins, qui, effectivement, lui permettront de renverser les sondages. Mais c'est une stratégie suicidaire vouée à l'échec. Elle l'empêche de récupérer des voix de François Bayrou dont il a besoin pour vaincre le candidat socialiste. Et, en plus, à trop se frotter à Marine Le Pen, sa posture a fini par accroître les divergences au sein de son propre parti qui va devoir préparer des législatives dans un désarroi idéologique qui n'est pas loin de la décomposition. Nicolas Sarkozy a pris le risque d'entraîner les siens dans sa défaite. Et ce sont des ténors de la droite traditionnelle qui le crient aujourd'hui ouvertement. La liste des membres de sa majorité lui faisant ce reproche s'est allongée cette semaine de la dernière ligne droite avant le passage aux urnes. Après Chantal Jouanno, sénatrice et ancienne ministre de l'Ecologie que Nicolas Sarkozy a, selon ses propres termes, traînée dans la boue, et Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre et Monsieur Algérie auprès de l'Elysée, c'est au tour d'Etienne Pinte, proche de François Fillon, d'émettre, dans un entretien à un média en ligne (Mediapart, très anti-Sarkozy), des réserves majeures sur la stratégie du président-candidat de l'UMP. Quant à Dominique de Villepin, son ennemi de toujours, il est sorti de son silence, “effaré” par la droite version Sarkozy. Alain Juppé, le ministre des AE avait, lui, la semaine dernière, tiré diplomatiquement la sonnette d'alarme, demandant à l'UPM de se préparer aux grandes manœuvres à venir. Mal lui en prit, Nicolas Sarkozy lui a vertement rappelé son obligation de réserve. Pour une bonne partie de l'establishment de l'UMP, le choix “tactique” de Nicolas Sarkozy n'est pas payant. Loin s'en faut. “Il aurait dû choisir la posture du président au-dessus de la mêlée, rassembleur, comme l'avaient fait ses prédécesseurs avec succès.” Au premier tour, un bon tiers des Français ont voté contre lui mais pas contre les fondamentaux de la République française. Jusqu'à aujourd'hui, la crise économique, le chômage, l'emploi et le logement demeurent en tête des préoccupations des électeurs, l'immigration, l'islam en France et la sécurité version Sarkozy ne recueillant que 3% de leur adhésion. Après avoir semé le trouble de façon scabreuse, et face à la montée de récriminations contre sa dérive lepéniste, Nicolas Sarkozy a fini par exclure tout accord avec Marine. Le mal est fait, selon son rival dont le slogan “maintenant pour une présidence normale et respectueuse” : Nicolas Sarkozy aura banalisé et légitimé l'idéologie ultra droitière, au motif d'un gisement électoral dont il n'est pas assuré puisque 20% d'entre eux voteront Hollande, le candidat par défaut pour eux, comme pour tous les déçus du sarkozisme. Au final, Marine Le Pen est bien l'arbitre du second tour. Plus fondamental encore, le Front national, dont elle a annoncé le changement d'appellation en Nouvelle droite, est en position d'atteindre son objectif majeur d'être au centre d'une recomposition de la droite. Car quelle que soit la lecture des 18% des voix du premier tour, lors des prochaines législatives de juin, Marine Le Pen pourrait être en mesure de se maintenir au second tour dans plus de 350 circonscriptions sur 577 ! D'arracher au moins 10% des sièges. Et, en tous cas, de faire mordre la poussière et faire voler en éclats l'UMP et ses alliés. Voilà le spectre qui hante la France. Pour un éditorialiste français, Nicolas Sarkozy a fait un calcul désespéré, sans mesurer à quel point il est désespérant, pour lui-même et pour la droite. Le plus probable est que cette escalade se termine par une chute. D. B