En cas d'un taux de participation inférieur à 20%, il est à s'interroger sur ce que fera le président de la République. À quatre jours du scrutin du 10 mai 2012, le taux de participation, principal enjeu des élections législatives, continue à alimenter les débats politiques et médiatiques dans le pays. La perspective d'un boycott des urnes par les Algériens constitue la hantise du pouvoir et des partis politiques qui participent à cette échéance. La campagne électorale, dont la clôture est prévue légalement pour aujourd'hui à minuit, a livré les premiers éléments d'information et des enseignements sur le peu d'engouement et d'intérêt qu'accordent les citoyens à ce scrutin, pourtant présenté comme étant éminemment stratégique par les partis en lice et le pouvoir. La faible affluence dans les meetings comme durant les sorties de proximité des candidats montre le divorce entre les formations politiques et le peuple. Les observateurs expliquent cette désaffection par plusieurs raisons et phénomènes qui ont marqué le début du processus électoral en février dernier : pléthore de partis, ressemblance des sigles, inflation des candidats, absence de programmes, faillite des partis, faiblesse des arguments, intrusion en force de l'argent ont fini par polluer cette élection et les citoyens assistent, médusés, à cette course engagée par les partis et candidats pour des strapontins au palais Zighoud-Youcef, et ce, au détriment de leurs préoccupations et attentes. Abstention massive : quelles conséquences ? La reconduction des mêmes visages ayant déjà fait deux mandats sans présenter de bilan a fini par achever le peu de crédit qui restait aux formations politiques. Le citoyen, abandonné par ceux qu'il avait élus en 2002 et en 2007, ne croit plus en aux promesses ni à la politique telle qu'elle est exercée aujourd'hui. La réhabilitation de la politique devait être la priorité et l'élément cardinal pour la reconquête de la confiance du peuple. Pendant des semaines, pouvoirs publics et partis ont tout essayé pour tenter de sauver ce qui peut l'être et convaincre les citoyens à se rendre massivement aux bureaux de vote jeudi prochain. Tous les moyens ont été utilisés et toutes les recettes ont été mises à contribution dans la campagne de sensibilisation des citoyens sur l'importance des prochaines législatives. Cela n'a pas suffi et, peut-être, ne suffira pas pour relever le taux de participation. Le président de la République, qui s'est impliqué dans l'opération de sensibilisation des citoyens sur la portée de cette échéance, tentera, après-demain encore, de Sétif, de booster la campagne en appelant les citoyens à se rendre massivement aux urnes. Ainsi, le chef de l'Etat, qui aura mis tout son poids dans cette campagne à travers des discours et messages, joue sa crédibilité pour sauver un processus décrédibilisé. Le pouvoir et les partis appréhendent un fort taux d'abstention qui discréditera totalement le scrutin lui-même. Un tel scénario n'est pas exclu, en effet, au regard de la piètre prestation des formations politiques et candidats durant les 21 jours de la campagne électorale. En l'absence d'instituts de sondage, instruments nécessaires dans toutes les démocraties réelles, tous les pronostics donnent un taux de participation très bas. Alors que le pouvoir table sur un taux de participation dépassant les 40%, ou au moins égalant celui des législatives de 2007, des observateurs estiment que l'abstention sera très importante et tournera autour de 75 à 80%. En cas d'un taux de participation inférieur à 20%, il est à s'interroger sur ce que fera le président de la République. Va-t-il invalider le scrutin, même si aucun texte législatif et réglementaire ne prévoit ce cas de figure ? Va-t-il ignorer la future Assemblée qui sera issue de ces législatives, alors qu'elle était appelée à jouer un rôle important dans la suite du processus des réformes politiques ? Une assemblée mosaïque C'est justement ce scénario catastrophe que tente d'éviter le pouvoir car il fausserait tous ses calculs et la suite du processus des réformes politiques. Une Assemblée nationale élue même avec un taux égal à celui réalisé en mai 2007, soit 37%, manquerait de légitimité pour légiférer et participer aux prochaines étapes du processus lancé en avril dernier. Un cas de figure qui mettrait le pouvoir dans une situation dilemme, voire dans l'impasse. C'est la raison pour laquelle le taux de participation, durant ces législatives, est considéré comme l'élément déterminant et la clé de voûte des réformes politiques. L'autre scénario qui pourrait se faire jour suite au scrutin est l'éventualité de se retrouver dans des circonscriptions électorales où la plupart des listes en course n'auront pas réussi à atteindre le seuil des 5% exigé par la loi sous peine d'une élimination. La pléthore des listes, certaines circonscriptions en comptent une cinquantaine, constituées notamment par des partis nouveaux et inconnus, favorise l'éparpillement des voix. L'élimination de plusieurs listes de la course profiterait “aux grands partis”, le plus souvent au FLN, au RND et à l'Alliance de l'Algérie verte, plus rarement au FFS, au PT ou encore au PJD. L'inflation de candidats et de partis ne milite pas à la décantation et participe à la dispersion des voix empêchant l'émergence d'une majorité même relative dans une wilaya donnée. Plusieurs voix portées sur des listes s'évaporeront, au titre de “votes inutiles”, avec la disparition des listes n'ayant pas recueilli les 5%. Sans oublier que l'existence de nombreuses listes en compétition dans les circonscriptions électorales, une moyenne nationale estimée à 30 listes, va compliquer l'acte de vote, notamment celui des vieux et des citoyens sans niveau d'instruction. Les électeurs vont se retrouver dans une situation où ils doivent choisir entre une trentaine de bulletins de vote avec des sigles qui se ressemblent fortement, ce à quoi s'ajoutera la confusion de numéros. Quant à la configuration du paysage politique au lendemain du scrutin du 10 mai, il est attendu que la future Assemblée nationale soit une mosaïque où aucun parti ne pourrait décrocher une majorité en raison du mode de scrutin appliqué. La proportionnelle intégrale, en vigueur depuis juin 1997, empêche l'hégémonie d'une formation ou d'un courant dans une assemblée élue. Plusieurs partis siégeront dans la future Assemblée nationale aux côtés des indépendants qui se sont présentés en force à cette élection. Quant à une éventuelle majorité islamiste, elle semble improbable, sauf si les partis qui représentent ce courant venaient à constituer un bloc uni après les législatives. Scénario difficile à envisager au regard des divergences profondes qui minent les relations entre les différents partis islamistes. Même une alliance parlementaire des islamistes ne leur garantirait pas d'atteindre le nombre de 232 sièges, nombre requis pour constituer une majorité à l'Assemblée nationale. Dans un autre registre, il est utile de signaler que la Constitution n'oblige pas le président de la République à choisir le gouvernement de la majorité parlementaire, d'autant que l'article 79 de la loi fondamentale ne parle que d'un seul programme, celui du chef de l'Etat, excluant ainsi la possibilité de voir un gouvernement appliquer un autre programme que celui énoncé dans la disposition sus-citée. Il n'est donc pas impossible que la configuration actuelle de l'Exécutif soit reconduite au lendemain du 10 mai, sans pour autant qu'il soit exclu de voir le président de la République prendre en considération les résultats de ces élections législatives dans la composition de son Exécutif. M A O