La Grèce aura sans doute bien du mal à constituer un gouvernement après le cinglant désaveu infligé par les électeurs aux deux partis qui avaient accepté les politiques d'austérité dictées par les bailleurs de fonds du pays. Premier parti avec 18,85 % des voix seulement dans un parlement émietté comme jamais, la Nouvelle-Démocratie, parti conservateur, qui devait tenter de trouver une majorité pro-austérité et pro-Europe, a déclaré forfait. Le peuple grec, qui a voté dimanche sa nouvelle Assemblée, a renvoyé à leurs classes les deux partis historiques qu'il juge responsables des catastrophes actuelles, donnant libre cours à sa fureur et à sa vengeance en votant parmi les 30 autres partis qui présentaient des candidats pour les extrêmes. Le vote est un refus des plans de sauvetage pour le maintien de la Grèce dans l'euro et l'Union européenne fondés sur des réformes qui s'apparentent plutôt à de la provocation et à l'humiliation infligée par Bruxelles et le FMI, sous peine de chaos économique. Une abstention record (35%) et des résultats où triomphe la colère : effondrement du bipartisme, 35% des voix aux 2 partis au pouvoir par alternance depuis un demi-siècle, contre 77% en 2009. Ecroulement des socialistes du Pasok (13,2% des voix et 41 sièges contre 43,9% et 160 sièges en 2009) qui paye le prix de la gestion de Georges Papandréou. Montée spectaculaire du virulent rassemblement des gauches mené par le jeune Alexis Tsipras, le Syriza (16,7% des voix et 52 sièges, contre 13 en 2009), qui devient le 2e parti. Et entrée fracassante d'une extrême-droite nouvelle au parfum de nazisme, Aube Dorée, avec 7% des voix et 21 sièges. Un parti qui se distingue par une xénophobie affirmée face aux 800 000 illégaux qui errent à travers la Grèce. Les conservateurs de la ND ont perdu eux aussi beaucoup de sièges mais ils restent en tête. Alors, comment gouverner avec cette mosaïque ? 7 partis sont représentés à l'Assemblée, dont trois sont nés dans l'année écoulée : les Grecs indépendants (des anti-mémorandums transfuges de la ND, 33 sièges), Aube Dorée et la Gauche Démocratique (transfuges anti-mémorandums du Pasok, 19 sièges). Mais, il n'y a pas d'alliance possible entre les refus de gauche et les refus de droite, et le parti communiste qui conserve sa force (8,5% des voix, 26 sièges) a annoncé qu'il ne voulait pas s'unir au Syriza. Personne ne veut s'allier à la peste brune incarnée par l'Aube dorée... qui est bien connue des Grecs, elle est l'émanation d'une organisation paramilitaire qui sévit dans le centre d'Athènes depuis le début des années 2000, ses miliciens s'en prennent régulièrement à des immigrés musulmans. En septembre dernier, un jeune Afghan avait été poignardé par eux et le procès des agresseurs ne cesse d'être reporté... Ses chasses aux têtes brunes se déroulent dans la quasi-impunité. Beaucoup de policiers sont eux-mêmes membres de l'Aube dorée ! Les mouvements d'extrême droite en Europe ont profité de la crise économique, sociale, politique et identitaire qui frappe ces pays. Le nouveau gouvernement grec est un vrai casse-tête : la Constitution précise que le président de la République doit successivement demander aux chefs des trois premiers partis de former un gouvernement majoritaire. En cas d'échec, de nouvelles élections anticipées ne sont pas exclues, des médias grecs ont déjà évoqué, lundi, la date du 17 juin pour un nouveau scrutin, nourrissant l'inquiétude perceptible sur les marchés financiers au sujet de la Grèce. Bruxelles menace de suspendre son plan d'aide… D. B.