Résumé : Louisa découvrait de plus en plus l'avarice maladive de sa belle-mère. Cette dernière lui menait la vie dure. La jeune femme s'était peu à peu habituée au climat parisien et sortait chaudement habillée pour faire des courses. Un soir, sa belle-mère lui demandera de descendre vider la poubelle. Il faisait noir dans les escaliers ! Ayant les mains occupées, je ne pouvais pas m'accrocher à la rampe… Enfin si on pouvait appeler une rampe ce genre de fil de fer d'un centimètre d'épaisseur à peine, qui avait eu de meilleurs jours jadis, lorsque la rampe était encore recouverte de bois et retenue par de longs barreaux métalliques aux escaliers. J'étais à deux étages plus bas, lorsque quelque chose frôla ma jambe, avant de dévaler les escaliers… J'entendis un son… Un sifflement… Le sang se glaça dans mes veines, et un cri s'éteint dans ma gorge… Ma frayeur était telle que je faillis lâcher la bougie qui vacillait au gré du vent… Je m'arrêtai un moment pour reprendre mon souffle… Un gros rat venait de me frôler ! Des bruits me parvenaient… Des gens se chamaillaient ou riaient… Des odeurs de cuisine titillaient mes narines… Je pense alors au maigre repas du soir que Nna Daouia nous avait servi : des pâtes bouillies ! Au moins si la quantité pouvait calmer nos estomacs affamés ! J'étais presque au rez-de-chaussée… Une odeur de vin. Je me retins de justesse… Je recule pour tenter de voir de plus près cette forme allongée à même le palier. Cette fois-ci je lâche carrément ma bougie en constatant que j'ai failli tomber sur le corps d'un homme ! C'était le voisin du premier. Comme à ses habitudes, l'ivrogne cuvait son vin… Il était tellement éméché qu'il n'arrivait même pas à ouvrir la porte de son appartement. Enfin, je suis dans la rue… Quelques chats errants étaient agglutinés devant la grande bassine qui servait de vidoir. Grelottant dans mes vêtements, je m'empressais de vider ma poubelle avant de remonter. Cette fois-ci l'épreuve s'avéra encore plus difficile, car je n'avais plus de bougie. Nna Daouia ne sera sûrement pas contente de l'apprendre. Et ce fut le cas. Ma belle-mère m'attendait au seuil de la porte. Je sentais plus sa colère que je ne la voyais dans la pénombre de la nuit : - Tu en as mis du temps pour descendre vider une malheureuse poubelle. - Il fait froid et noir, et j'ai failli à maintes reprises me casser le cou dans les escaliers. Elle me tire par le bras : - Et la bougie… Qu'est-ce tu en as fait ? - Je l'ai perdue… Je... je Elle refoule ses remontrances et m'entraîne à l'intérieur : - Vraiment, on ne peut pas compter sur toi… Tu ne sais même pas vider une poubelle. Elle allume le briquet de son mari et se met à chercher un autre bout de chandelle dans le tiroir de la table. Une bougie consumée aux trois quarts est vite repérée. Nna Daouia l'allume : - Heureusement que je suis prévoyante ! Elle me regarde et poursuit : - Tu devrais prendre exemple sur moi… Sinon, ni toi ni Kamel ne pourriez assurer votre avenir. Kamel allait répondre, mais elle le devance : - Au fait, Louisa ma fille, je voulais te proposer quelque chose. Je l'interroge des yeux… Ma belle-mère avait de ces airs lorsqu'elle devait annoncer un événement. Et c'était cet air-là qu'elle affichait justement à ce moment : -Euh…. Je… J'aimerais que tu nous aides un peu… Je veux dire que tu nous aides à gagner notre croûte. Kamel bondit : - Tu veux quoi ? Elle lève une main : - Calme-toi donc et tu sauras de quoi je veux parler. Je lance un regard suppliant à mon mari. Sa colère ne fera qu'accentuer les sautes d'humeur de sa mère. Cette dernière prend une longue inspiration avant de lancer : - Tu as un don Louisa, n'est-ce pas ? Hein ? Tu pratiquais bien la voyance avant ton mariage… C'est toi qui avais volé au secours de tes parents… Sinon ta famille aurait crevé de faim. Je proteste : - Ma famille ne pouvait crever de faim… On avait des biens. Seulement mon père était trop vieux pour les gérer… En tous les cas dans notre maison, on se nourrissait bien mieux qu'ici malgré la misère qui sévissait au village. (À suivre) Y. H.