Coup sur coup, l'ONU et le Réseau euroméditerranéen des droits de l'Homme (Remdh) viennent nous rappeler à notre condition en matière de libertés. La plus surprenante des recommandations contenue dans le rapport d'examen périodique universel adopté ce premier juin, est celle qui réclame de l'Algérie de “lever l'état d'urgence dans la wilaya d'Alger et garantir pleinement la jouissance du droit à la liberté d'expression et de réunion pour tous les citoyens”. On n'y pensait plus, mais qu'est-ce qui a changé dans la capitale depuis février 2011, date à laquelle l'état d'urgence est supposé abrogé et le droit de réunion et de manifestation recouvré ? Les rassemblements, marches et sit-in syndicaux et citoyens sont toujours accueillis avec les mêmes réponses : barrages, démonstrations de force, matraque et interpellations. L'Algérie y est interpellée sur pratiquement tous les volets des droits de l'Homme et des libertés : les obstacles inadmissibles à la liberté de réunion et d'expression, les détentions “pour avoir exercé leur expression”, “les dispositions juridiques permettant de sanctionner le droit de la liberté d'expression”, l'abrogation “du code de la famille”, etc. Sur ce dernier point, le Conseil des droits de l'Homme n'a pas manqué de noter “toutes les violences et discriminations répandues dans la société” et que le pouvoir semble couvrir, voire encourager, tant ces violences et discriminations “ordinaires” qui s'exercent autant dans les espaces privés que publics semblent susciter si peu de préoccupation auprès des pouvoirs publics. Le rapport montre aussi que les Etats membres du conseil ont clairement perçu que “la nouvelle loi sur les associations” a été conçue pour “entraver” les activités des ONG algériennes. L'observation extérieure de l'état des libertés confirme ainsi la finalité paradoxale des “réformes” entreprises par le pouvoir : dans la lettre, comme dans les effets, on constate que les “entraves” à l'exercice des droits civiques sont reconduites quand elles ne sont pas renforcées. C'est tellement clair en matière de liberté d'expression et de réglementation des activités des associations. Et même quand le texte comporte quelque progrès, son application ne semble pas s'imposer d'elle-même : à Alger, les libertés publiques subissent le même traitement que celui qu'elles enduraient avant l'abrogation du décret portant état d'urgence. À deux jours d'intervalle, le Réseau euroméditerranéen des droits de l'Homme dénonce les mêmes “violations des droits syndicaux et droits humains en Algérie”. Ces reproches et interpellations surviennent alors que le pays est supposé évoluer en plein processus de réformes. Après de nouvelles lois réhabilitant les libertés politiques et citoyennes, elle vient de passer à l'étape de l'élection, enfin démocratique, d'une Assemblée nationale ! Pour cette phase, les citoyens ont eu l'opportunité d'exprimer, par avance, leur défiance en se gardant très majoritairement de participer à la mystification. Il n'y a que la mission d'observation européenne qui y a décelé, pour de bonnes raisons certainement, des signes d'une démocratie en marche. Son avis n'est visiblement pas partagé par les organisations engagées dans la défense des droits de l'Homme. Elles confirment cette impression de rétropédalage qui se dégage de notre processus de “réformes”. M. H. [email protected]