Une journée entière de palabres, d'invectives et d'affrontements. À 17h30, hier, la réunion du Comité central du FLN n'avait même pas pu commencer. Belkhadem est en mauvaise posture et le FLN est dans l'impasse. Reportage. La session ordinaire du Comité central du Front de libération nationale (FLN), prévue hier à l'hôtel Ryad de Sidi-Fredj, n'a finalement pas eu lieu en raison d'une bataille de procédures, interminable, entre partisans et opposants du secrétaire général (SG) du parti, Abdelaziz Belkhadem. Ce dernier, qui avait programmé un ordre du jour en rapport avec les législatives et les prochaines élections locales, a été stoppé net par les contestataires revendiquant son départ pur et simple de la direction du parti. Cette opposition, qui a commencé dès les premières heures de la matinée, a été marquée par des affrontements, des disputes, des insultes, le tout dans une cacophonie indescriptible tout au long de la journée. Dès 8h, en effet, des responsables de l'ordre, portant des badges rouges, postés à l'entrée de l'hôtel, filtrent les entrées. Plusieurs dizaines de gendarmes et quelques policiers, dépêchés sur les lieux, observent, impassibles, les évènements. Impossible à quiconque non muni d'un badge vert indiquant l'appartenance au Comité central (CC) d'y accéder. Même les journalistes présents en nombre ne sont pas les bienvenus. Ils sont systématiquement repoussés par les vigiles et même malmenés quand ils deviennent insistants. 9h30. Le véhicule blindé de Belkhadem s'approche de l'hôtel. Il est accueilli par un slogan éloquent des contestataires : “Irhal ! Irhal ! (Dégage ! Dégage !)”. Boudjemaâ Haïchour, l'ancien ministre de la Poste et des Télécommunications, arrive quelques minutes plus tard. Il franchit le portail de l'hôtel, quant à lui, dans le calme et sans encombres. “Belkhadem est fini aujourd'hui” À 9h46, c'est la voiture d'El-Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle et de Mohamed-Saïd Kara, ancien ministre du Tourisme, qui est à l'entrée. Les deux hommes, qui contestent Belkhadem, et dont la participation au Comité central a été gelée, ont été stoppés net par les vigiles qui ne se gênent pas de donner des coups de pied au véhicule des deux ministres. “Nous appliquons fermement les instructions”, disent-ils, nerveux. El-Hadi Khaldi réagit et demande au chauffeur de renoncer à entrer dans l'hôtel arguant que “de toute façon, Belkhadem est fini aujourd'hui”. Une fois parmi la foule, Khaldi et Kara critiquent Belkhadem et ses soutiens. “Nous avons demandé aux militants d'être civiques et d'éviter l'affrontement avec les mercenaires”, déclare Khaldi, qui ne manque pas de dénoncer le “remplissage” de l'hôtel Ryad par des “indus militants” du FLN. “Vous avez vu, il a ramené 20 bus bien remplis pour les faire participer au CC”. “D'habitude, nous venons individuellement et par nos propres moyens. Pourquoi a-t-il besoin de ça ?”, s'interroge le ministre, avant de répondre : “S'il avait confiance en ses militants, il serait rentré dans la salle des conférences comme l'a fait Mehri en son temps”. “Nous n'avons aucun problème personnel avec Belkhadem”, tient à préciser Khaldi. “Notre différend avec lui est d'ordre politique, idéologique et organique”. Khaldi, déjà étonné d'apprendre que sa participation au CC a été gelée, est ahuri d'apprendre qu'“un membre du bureau politique, accusé Belkhadem de détournement de fonds, reste son bras droit et est autorisé à prendre part au CC”. Le ministre de la Formation professionnelle révèle à ce propos que le SG du parti lui a demandé de se porter candidat aux législatives du 10 mai. “Je lui ai dit que je n'étais pas intéressé”, relate-t-il, ajoutant qu'il a refusé aussi de figurer parmi les membres du bureau politique (BP). “Je lui ai donné une liste dans laquelle mon nom ne figurait pas”. “Il y a des militants FLN qui ont à leur actif des décennies de militantisme et dont la candidature n'a pas été acceptée mais une personne qui n'est pas du parti a été désignée tête de liste de Tébessa aux législatives et est devenue président du groupe parlementaire du parti uniquement parce qu'il s'appelle Monsieur LG”. De son côté, Kara dénonce “les baltaguiya de Belkhadem”. “Ils nous ont malmenés violemment mais nous n'allons pas partir d'ici car Belkhadem a dévié de la ligne”, lance-t-il à la presse. Meriem Benkhelifa, militante FLN de la wilaya de Ghardaïa, explique, pour sa part, que “Belkhadem n'a pas appliqué l'article 31 bis de la Constitution permettant aux femmes de se porter candidates aux législatives sur les listes du parti. Il aurait dû placer des femmes tête de listes car au FLN, nous avons des militantes compétentes. Cela aurait pu nous faire gagner plus de sièges à l'APN”, soutient-elle. “La contestation a pris le dessus” À 10h, la route est coupée à la circulation en raison d'une foule de contestataires agglutinés à l'entrée et la réunion du CC n'avait pas encore commencé. De l'intérieur de la salle, un ex-député regardait la scène par la fenêtre, tout en donnant des informations sur ce qui se passait, par téléphone, aux journalistes interdits d'accès à la salle. “La contestation a pris le dessus sur les pro-Belkhadem”, selon lui. “Les contestataires ont occupé le bureau du CC et revendiquent que l'on passe par l'urne pour trancher la question du retrait de confiance au SG”, dit-il. La contestation exige aussi la participation de 6 membres du CC exclus par Belkhadem, dont Kara et Khaldi. À 11h, alors que les travaux du CC n'ont toujours pas commencé, Abdallah Bousenane, ex-sénateur du tiers présidentiel, informe les journalistes que “Belkhadem est empêché d'accéder à la tribune de la salle des réunions” où la situation est très tendue. “Des tables et des micros ont été saccagés”, dit-il. Bousenane précise que “les contestataires ont exigé que Belkhadem s'engage d'abord à accepter d'aller aux urnes pour le vote de confiance. Ce que le secrétaire général du FLN a refusé”. Après s'être engagé à organiser des élections internes, Abdelaziz Belkhadem s'est rétracté hier, selon lui. Au même moment, Boudjemaâ Haïchour annonce qu'il est question d'“une bataille de procédures qui a lieu maintenant”. Le SG du parti se réunit depuis plus de trois heures avec un comité de sages. Ce comité composé de Affane Guezzane, Abderrezak Bouhara, Mohamed Boukhalfa, Ahmed Sebaâ et Abdelkader Hadjar, n'a pas pu convaincre Belkhadem, nous dit-on. À 12h50, la situation n'a pas évolué. La réunion entre Belkhadem et le “comité des sages” se poursuit toujours, selon M. Haïchour, qui précise que trois choix s'offrent désormais à Belkhadem : un vote à bulletins secrets, un vote à main levée ou une décision de sa part de quitter la direction du FLN selon des conditions qui feront l'objet de négociations. Avant-hier, dans une déclaration écrite, les quatre membres du comité des sages et Abdelkader Hadjar se sont dit “surpris par le communiqué du bureau politique, en date du 13 juin 2012, qui a unilatéralement remis en cause les engagements pris la veille par le secrétaire général”. Une motion de soutien au secrétaire général du FLN circule également à l'intérieur de la salle des réunions. 13h30. Fin de la rencontre entre Belkhadem et le comité des sages. Et c'est Abdelkader Hadjar qui l'annonce au sortir de l'hôtel. Il explique qu'aucune solution n'a été trouvée. “Nous n'avons pas trouvé de solution. Mais chaque problème peut se régler”, dit-il aux journalistes. La réunion devrait reprendre à 16 heures. De son côté, Boudjemaâ Haïchour affirme que Belkhadem refuse toujours le principe du scrutin à bulletins secrets. “Nous avons 48h devant nous. Durant ces deux jours, Belkhadem devra démissionner ou il plongera le FLN dans une grave crise dont il assumera les conséquences”. À 17h30, alors que la contestation occupe la salle devant abriter les travaux du CC, Belkhadem refuse d'y entrer. La contestation ne parle plus présentement du retrait de confiance du SG à travers l'urne. Elle “exige sa démission sans condition”. Affaire à suivre, le spectacle continue... N M