La récente rencontre de salafistes algériens venus à Oum El-Bouaghi pour suivre le prêche d'un prédicateur saoudien a été l'occasion pour le ministre des Affaires religieuses de rappeler certains repères qui fondent la pratique religieuse dans notre pays. Le dernier regroupement “clandestin” des salafistes, durant quatre jours sous la férule d'un prédicateur saoudien à Oum El-Bouaghi, continue à alimenter l'actualité nationale. Une telle rencontre, tenue sans autorisation préalable des services compétents de la Direction de wilaya ou du département ministériel de Bouabdallah Ghlamallah, suppose un nombre d'interrogations sur le vide laissé par les prédicateurs algériens. L'Algérien a-t-il formellement besoin d'être harangué par un prédicateur saoudien salafiste pour justifier de son appartenance à l'islam et se réclamer partisan du Prophète que le Salut soit sur lui ? Ce rassemblement qui a drainé à Oum El-Bouaghi, ce jour-là, des centaines de disciples de ce courant qui reste étranger à l'islam, sous-entend le devoir de se demander si les mosquées sont suffisamment contrôlées ? Contacté par nos soins, le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Bouabdallah Ghlamallah n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour exprimer et réitérer le rejet des pouvoirs publics de ce mouvement importé de l'étranger. Rappelons au passage que le salafisme est un courant qui prône un retour aux fondamentaux de la religion musulmane et à la manière dont “les ancêtres pieux”, c'est-à-dire les compagnons du Prophète Mahomet, ont appliqué l'islam. Sans détour, Bouabdallah Ghlamallah s'est insurgé contre cette conception étrangère à l'islam, en lançant “l'Algérie n'est ni salafiste ni chiite”. Cette déclaration qui sonne le glas des théories étrangères à l'islam renvoie dos à dos aussi bien le chiisme que le salafisme qui s'est installé dans les années 1990 en Algérie. Ses pratiques et ses enseignements dans le cadre d'un islam “authentique” diffèrent de ce qui a été hérité ici, à savoir l'islam sunnite via l'école malékite. On a donc l'impression qu'il y a comme du “nouveau” dans la conception de la religion musulmane. Pour Ghlamallah, le peuple algérien est visé de partout voire il est victime d'un conflit étranger entre le salafisme et le chiisme. Ces “théories” se partagent, dit-il, toutes les deux un dénominateur commun, la violence en l'occurrence. Ces deux mouvements religieux “importés” utilisent la violence sous toutes ses facettes. Les pratiques et les enseignements de ces deux mouvements religieux sont interdits, fait-il rappeler, dans les 15 000 mosquées que compte le pays et qui sont sous la tutelle du ministère. Pour lui, “la rencontre” d'Oum El-Bouaghi demeure un cas isolé. Pour étayer davantage ses propos, le ministre fera rappeler, pour l'histoire, les dépassements des salafistes durant l'époque de l'Etat des Abassides. Notre interlocuteur soulignera encore que cette idéologie politico-religieuse a été à l'origine du déclin de la pensée abbasside. À la question du contrôle des mosquées, le ministre exclut d'un revers de la main l'existence, du moins à titre officiel, de tels mouvements dans les mosquées algériennes. Ceci dit, il n'écarte pas que des rencontres informelles faisant l'éloge de ces deux mouvements “importés” s'organisent dans un cadre purement privé, dans les domiciles de leurs adeptes. Par ailleurs, l'on croit savoir de sources crédibles que le ministère des Affaires religieuses a dépêché la semaine dernière un cadre supérieur à Oum El-Bouaghi pour tirer au clair cette affaire de regroupement clandestin des salafistes dans la mosquée El-Atik au chef-lieu de wilaya. Cet émissaire devrait entendre la version des responsables des services extérieurs du département de Ghlamallah au sujet de ce regroupement qui n'a pas été précédé d'une autorisation dûment signée par les autorités. Nos sources ajoutent qu'il devrait dresser un rapport circonstancié sur cette affaire, et ce, pour décider des suites à donner. De tels dépassements sont sévèrement réprimés par la loi. Le ministère va-t-il sévir de la même intensité comme il l'a déjà fait contre un imam d'une mosquée à Oued Souf. Pour conclure, nous paraphrasons un docteur en sciences de la charia islamique que l'Etat doit revenir à l'islam du juste milieu, encourager les imams du pays pour combler le vide, puisque ces prédicateurs qui viennent de l'étranger n'apportent rien de nouveau. Aussi faudra-t-il relancer l'école malékite, généraliser la fetwa de cette école et la lecture du Coran selon la version “warch”. Il ne faudrait pas laisser le terrain à cette pensée étrangère dont les orientations sont dictées du pays du Hedjaz. Pour l'histoire, que d'aucuns sachent que l'imam Mohamed Ben Abdelwahab, le “père” du salafisme des temps modernes, a été d'un grand appui au fondateur du premier Etat saoudien, l'imam Mohamed Ben Saoud. HH