Le cinquantenaire de l'Indépendance est l'occasion pour nous de porter un regard sur les tentatives de développement initiées depuis 1962. Cependant déjà, la messe est dite pour certains cercles académiques étrangers : il s'agit pour ces derniers de cinquante ans d'échecs. À ce propos, le casting retenu et quelques thèses développées lors du colloque du 21 mai 2012 organisé par l'Institut de sciences politiques de Paris l'illustrent bien même s'il y est dit que “non partisan, ce colloque se fixe pour objectif de créer une dynamique de réflexion et d'échange avec le public sur les défis et les perspectives dans l'Algérie de 2012". En vérité, pour ce colloque , il s'agit moins de contribuer “scientifiquement" au débat que de prédéterminer la tonalité générale de ce que devrait être la “norme admise" de toute analyse portant sur l'Algérie de l'indépendance à nos jours. Certains intellectuels, notamment algériens, sont peu sensibles à cette dimension et considèrent, à tort, comme définitivement acquis le statut objectif des sciences sociales. D'ailleurs ces derniers, classent assez souvent, comme “intellectuel organique", au sens donné par Gramsci, toute personne dont les contributions sortent de cette “norme admise" qui leur sert de repère invariant. Cette posture de facilité leur évite au passage le débat contradictoire. Mais peu importe finalement. Ceci dit, je tenterai de restituer une vision rétrospective de nature à expliquer les avancées et les retards, deux moments d'analyse. L'un portera sur l'évolution des textes structurants la période. L'autre sera relatif aux pratiques économiques, aux tropismes culturels et sociaux et aux intérêts divergents, qui ont pu contrecarrer la mise en œuvre de la démarche formellement affichée. Compte tenu du format de ma chronique, je vous la livrerai en trois parties. Celle-ci porte sur le parachèvement économique de l'indépendance. La deuxième portera sur l'industrialisation inachevée de la décennie 70 et la troisième s'intéressera à l'ouverture libérale depuis les années 80 et ses perspectives. Il faudrait remonter à la guerre de Libération nationale pour retrouver les deux premiers textes fondateurs : la “Proclamation du 1er-Novembre 1954" et la “Déclaration du Congrès de la Soummam (1956)" qui fixaient déjà les contours du futur Etat national. Mais pour d'autres, le premier texte significatif postindépendance est la “Charte d'Alger" d'avril 1964, qui est constitué de “l'ensemble des textes adoptés par le 1er congrès du parti du Front de libération nationale (du 16 au 21 avril 1964)". Pour ce qui me concerne les premiers textes structurants l'économie algérienne ont été surtout les “décrets de mars 1963". Il s'agit du décret du 18 mars 1963 relatif au droit des propriétés déclarées vacantes, du décret du 22 mars 1963 portant organisation de la gestion des exploitations agricoles vacantes et du décret du 28 mars portant sur la répartition du revenu des domaines autogérés. Il s'agit, tout compte fait, d'une forme de nationalisation des 22 037 fermes sur une superficie de 2 200 000 hectares appartenant aux anciens colons (Lazhar Baci, Cahiers options méditerranéennes, les réformes agraires en Algérie). Cette formule autogérée sera ensuite élargie au secteur industriel avant la mise en place des sociétés nationales industrielles publiques qui regrouperont les activités de branche. Cela a été possible du fait des départs massifs des Français d'Algérie, non prévus à cette échelle dans les Accords d'Evian. L'autre texte non moins important a été le “décret du 31 décembre 1963" portant création de la société nationale chargée initialement du transport et de la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach). Déjà le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) réuni en juin 1962, rappelait dans le Programme de Tripoli la nécessité d'élaborer “un plan qui mettrait le pays en mesure de gérer lui-même ses richesses minérales et énergétiques". La nationalisation du secteur minier a pu être opérée en juin 1966. Quant au secteur pétrolier, il a fallu attendre le 24 février 1971 pour que le Président Houari Boumediene procède à cette nationalisation. Après le Sommet d‘Alger des pays non alignés réuni en septembre 1973 et la tenue, à l'initiative de l'Algérie, de l'Assemblée générale de l'ONU pour “l'instauration d'un nouvel ordre économique international", l'Opep allait ouvrir la voie au réajustement des prix du pétrole. L'aisance financière qui en a résulté a permis de démarrer l'industrialisation du pays. Cette industrialisation était incontournable car l'Algérie avait hérité d'une société duale avec un secteur moderne de faible taille et un secteur sous-développé dominant. Quelles en ont été les stratégies et les résultats? C'est ce que nous verrons la prochaine fois.