Pour la majorité des élèves, sceptiques, “au mieux, l'année sera bâclée”. Les enseignants sont, eux, partagés sur un allégement éventuel du programme. “C'est un véritable fiasco, nous sommes une génération perdue ! Chaque année est une année exceptionnelle, après les catastrophes naturelles, la grève des enseignants. En trois ans de scolarité, nous n'avons jamais fini notre programme. Ce n'est pas un plan miracle de rattrapage parachuté par le ministère de l'éducation qui sauvera notre année.” C'est avec ces propos que Mehdi, 19 ans, élève en classe terminale, filière sciences naturelles au lycée émir-Abdelkader (Bab El-Oued) commente la dernière décision du ministre de l'éducation nationale. à un jet de pierre de là, devant le lycée Okba, adossés au mur comme de jeunes chômeurs, des élèves attendent la reprise des cours de l'après-midi, et s'échangent les dernières nouvelles de l'application du programme de rattrapage. “L'année scolaire sera bâclée comme d'habitude. Les enseignants pourront finir le programme en quelque mois, mais nous pouvons vous certifier qu'aucun cours ne sera acquis par les élèves”, déclare un élève de terminale. “Bien sûr, les plus riches parmi nous se paieront des heures particulières et les autres comme nous… au diable !”, renchérit-il. Cette inquiétude dans les propos des élèves est perceptible dans d'autres lycées de la capitale. Il est 13h30, ce dimanche devant le lycée El-Idrissi à Alger, et l'enthousiasme qui caractérise d'habitude la rentrée scolaire n'est pas au rendez-vous. Après une grève de près de trois mois, la reprise semble laborieuse. Les élèves que nous avons approchés n'ont pas caché leur angoisse quant au rattrapage du temps perdu. à la question du réaménagement du programme, les lycéens répondent à l'unanimité : “C'est une année perdue d'avance. C'est impossible de rattraper le retard”, lâchent-ils en chœur. “L'an dernier, nous avons bossé dur pour le bac, nous avons subi la grève, et quand le débrayage a cessé, ils ont voulu rattraper le coup avec des polycopiés. Vous imaginez que l'on a fini les cours des matières essentielles comme les sciences, la physique ou pire la philosophie avec des polycopiés ? On comprenait rien ! Et malgré tout cela, nous avons passé un été d'enfer à réviser nos cours, et en septembre, il nous ont sacqués avec des sujets du troisième trimestre. Je n'ai pas eu mon bac, et il m'a fallu beaucoup de courage pour le refaire cette année, et je me retrouve dans les mêmes circonstances. Je ne crois pas que je pourrais avoir mon bac”, s'indigne Mehdi. Toutefois, ces avis ne sont pas partagés par tous les enseignants. Certains d'entre eux estiment que l'année est rattrapable avec le planning établi par le ministère. “Nous avons eu deux mois de retard. Le plan de rattrapage consiste à prolonger l'année scolaire de deux mois jusqu'à fin juin, donc il n' y a pas de problème : l'année sera achevée à temps, voir même avant la fin juin”, affirme un enseignant de mathématiques au lycée d'Okba. Son collègue ajoute : “Pour certains programmes, comme les sciences naturelles, nous serons obligés de prendre les lundis après-midi pour pouvoir finir les cours. De toute façon, la gestion des heures se négocie avec les élèves et l'administration.” La majorité des professeurs affirme, en revanche, que l'année ne sera pas rattrapable si le programme n'est pas allégé. “Le programme scolaire est surchargé. Nous avons espéré que certains cours seraient supprimés, mais le ministre refuse de faire une exception. Personnellement, j'assume. J'assurerai les cours jusqu'à la fin de l'année, même s'il faut être présent les lundis, les jeudis après-midi et les vendredis. Je prends la responsabilité de mes retards pédagogiques”, déclare ce professeur de sciences au lycée émir-Abdelkader. “Nous avons perdu 9 semaines pédagogiques, nous ne pouvons pas normaliser cette année, elle est caduque. à partir du mois de mai, les élèves ne pourront plus travailler et ne se présenteront plus aux établissements”, affirme un autre enseignant du lycée El-Idrissi. Rappelons que le programme de réaménagement de l'année scolaire proposé par le ministère consiste à assurer les cours jusqu'à la fin du mois de juin 2004 avec deux phases d'évaluation (composition) et une brève période de vacances. Ce planning sera adressé aux directions de l'éducation qui en assureront le suivi. N. A.