L'appel deux : la Prophétie 30-141) en 26 rappels Cet appel, le plus long avec 83 versets, semble à première vue très difficile à encadrer. En vérité non. Cette partie, aussi longue soit-elle, a une structure et une logique communicative très particulières qui permettent à son tour de l'encadrer thématiquement et logiquement à deux trois versets près et de suivre le cheminement du début jusqu'à la fin, y compris dans la langue de traduction et d'interprétation. Ces particularités ressortent à travers : a- Au niveau de la structure, il y a trois récits : Adam (30-39), Moïse et son peuple (40-123) Abraham et ses fils (124-141). b- Au niveau de la communication, tout ce passage ne renferme qu'un seul appel, situé au milieu du récit de Moïse et des Enfants d'Israël (versets 104). c- L'appel renferme vingt-six rappels comme technique secondaire d'approche, repérable à l'expression "rappelle-toi lorsque..." et son diminutif (idh), répartis à travers les récits : Adam (02), Moïse (18) et Abraham (06). d- En plus des rappels, il y a les réponses à des comportements ou dires de la part des Enfants d'Israël. C'est en tenant notamment compte de ces quatre paramètres qu'on arrive à dégager une sous-structure pour la partie réservée à la prophétie. On a : A- Le récit d'Adam avec deux rappels : Il y a deux rappels faciles à repérer avec respectivement quatre et six versets : a- L'annonce par Dieu aux Anges de la création d'Adam et sa présentation : "Souvenez-vous lorsque Dieu dit aux anges : "Je vais instituer un vicaire sur terre... (30-33) b- L'ordre de prosternation aux anges, dont Ibliss qui en faisait partie, à Adam en signe de respect et non d'adoration. Tout le monde obéit excepté Ibliss qui se déclare ennemi de Dieu et d'Adam. "Souvenez-vous également, lorsque nous ordonnâmes aux anges de se prosterner devant Adam, que tous obéirent à l'exception d'Iblis qui refusa..." (34-39). B- Le récit de Moïse et des Enfants d'Israël (18 rappels) (40-123). Ce récit, qui renferme l'appel sur la prophétie, le seul, est structuré en deux parties : 1- Les rappels de un à dix-sept (40-103). Ils sont très repérables à l'expression "Souvenez lorsque...". Ces rappels concernent les bienfaits de Dieu accordés aux Enfants d'Israël et leur ingratitude en retour et de leurs déviations. Contrairement à ce que d'aucuns pensent, le Coran, à travers ce long passage de sourate El-Baqara, traite les Fils d'Israël avec considération et respect en lançant un dialogue, et leur voulant du bien en finalité. Ça débute par deux rappels directs émouvants aux enfants d'Israël : "Oh Enfants d'Israël ! Souvenez-vous des bienfaits dont je vous ai comblés. Soyez fidèles à votre engagement envers moi pour que Je tienne les promesses que Je vous ai faites. À mon égard, soyez pleins d'appréhension"... (40-46). "Oh Enfants d'Israël ! Souvenez-vous que je vous ai comblés de mes faveurs et que je vous ai donné la préséance sur tous les peuples..." (47-48). Puis viennent les autres rappels jusqu'au dix-septième, l'un après l'autre remarquables à l'expression qui se répète à chaque fois "Souvenez-vous lorsque...". Parmi ces rappels, il y a ceux notamment relatifs à la Vache (14e) et au Veau d'or (16e). C'est autant de repères pour l'apprentissage et le rappel (49-103). 2- L'appel lui-même, sur la prophétie, suivi de la réponse à six dires ou comportements des gens du Livre (104-121). Ce deuxième volet du récit des Enfants d'Israël débute par un appel lancé aux croyants, les mettant en garde contre les pratiques et comportements des Enfants d'Israël qui avaient dévié du droit chemin et du contenu de leur Livre et avaient refusé le nouveau message divin. Ici la technique secondaire d'approche change. Il est suivi par la réponse à six dires et comportements montrant leur déviation et leur animosité envers les croyants. On a : "Ô vous qui ont cru ! N'usez pas de l'expression : "Prêtes-nous attention", mais dites accordez-nous du temps et écoutez. Aux infidèles, est réservé un cruel châtiment..." (104). Ensuite viennent l'un après l'autre les six dires ou prétentions déplacées des mécréants, dont les tentations d'induire en erreur les croyants, l'exclusivité de l'entrée au Paradis, l'attribution à tort d'un fils à Dieu et la demande de parler directement à Dieu. Dieu soit exalté ! (104-121). Le récit termine par un rappel, le dix-huitième, à l'adresse des Fils d'Israël les invitant en conclusion à se rappeler des bienfaits de Dieu et à le craindre : "Enfants d'Israël ! Souvenez-vous des bienfaits dont je vous ai comblés. [N'oubliez pas que] je vous ai donné la préférence sur les peuples de la Terre... (122-123) C- Le récit d'Abraham et Ismaël et la construction de la Kaâba (124-141). Comme le récit précédent, il renferme : a- Un premier volet avec des rappels au nombre de six, évoquant le récit d'Abraham et Ismaël et la construction de la Kaâba, première maison de Dieu sur Terre. “[Souvenez-vous] quand, par certaines prescriptions, Abraham fut mis à l'épreuve par son Seigneur !... (124-134). b- Un deuxième volet avec deux dires de mécréants, suivis de la réponse divine pour apporter la bonne solution. On a : -"Ils (ceux qui se réclament de l'écriture) ont dit : ‘‘Soyez juifs ou chrétiens et vous serez dans la bonne voie''. Dis-[leur] : ‘‘Il n'en est rien !... (135-139). - "Diront-ils aussi : ‘‘Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, les [douze] tribus étaient juifs ou chrétiens ?'' Dis [leur] : ‘‘Qui en est mieux informé, vous ou Dieu ?"... (140-141). Il est à noter que les deux volets du récit d'Abraham, les rappels et la réponse aux deux dires se terminent par un même verset qui se répète deux fois à la fin, formant une symétrie qui mérité bien d'être relevée en formant une décoration. Signe que le Coran, tout en s'intéressant au contenu, donne à la forme et à l'esthétique la place qu'il faut. "Une telle génération est révolue. À elle ce qu'elle avait acquis et à vous ce que vous avez acquis. Vous ne serez point tenus pour responsables de ses actes [bons ou mauvais]" (134). On est ainsi loin des présentations hasardeuses de la sourate, où le lecteur a l'impression de naviguer à vue, ne comptant que sur sa mémoire. Le mérite ici est qu'on peut rallier l'intelligence et la mémoire à la fois. Cet exemple d'analyse va dans le sens du souhait et du désir de nombre de chercheurs sur la facilitation et l'accès au texte coranique, en privilégiant la piste de l'analyse scientifique et de l'intelligence et le refus de la stagnation et du suivisme. Comme on peut le constater, on arrive ainsi à situer un thème ou un sous-thème à deux trois versets près, avec en plus des repères de référence, ce qui est appréciable. Le chercheur franco-algérien Jacques Berque avait écrit au milieu des années 80, dans sa conclusion sur la traduction du Coran, qu'il ne croyait pas qu'un jour viendrait où on pourrait dégager un système qui permettrait d'approcher le texte coranique avec logique. Les résultats de recherche dans la méthode structurelle coranique le contredisent. En attendant sûrement mieux. In la Revue des Etudes Islamiques du HCI Prochain article : Deuxième partie (les onze appels sur la chariâ). Consultez notre blog : vous trouverez la présentation détaillée des trois récits en texte et vidéo, en arabe et français, plus la voix de cheikh El-Manchaoui (accès gratuit). http://coran.smail.boudechiche.over-blog.com/article-sourate-el-baqara-30-39-le-recit-d-adam-