Je ne connais pas Khaled Nezzar. Je l'ai rencontré juste une fois, à l'occasion d'un mariage qui a réuni quelques décideurs et surtout beaucoup de has been qui ont eu leur heure de gloire. Nezzar était alors en retraite. Mais il avait toujours cette autorité du verbe qui en imposait même à ceux qui ne le portaient pas dans leurs cœurs. À la fin du dîner, je suis parti voir cet homme qui s'appuyait sur une béquille. Je me présentais et je lui dis : “Merci pour tout !" Il me répondit, étonné, cherchant sans doute l'ironie là où il n'y avait que de la gratitude : “Merci pourquoi ?", me répondit-il, soudain sur ses gardes. J'ai compris que cet homme est un nerveux au sang vif, prêt pour le combat. Un militaire habitué à donner des ordres et non un diplomate au verbe enjôleur. Chacun son métier. Il est vrai que l'un pourrait rebuter les démocrates sensibles quand l'autre pourrait les séduire. Pour autant, je n'étais pas rebuté. Un tantinet désarçonné, voilà. Je précisais alors : “Et si on est là, toujours vivants, c'est à vous et à ceux qui ont décidé de mettre fin à la folie des extrémistes en kamis que nous le devons !" Il grogna d'un ton bourru : “Je n'ai fait que mon devoir !" J'avais envie de lui faire une virile accolade. Mais comme j'avais peur qu'il ne se méprenne sur mes intentions, je me suis retenu. Hé, que va-t-il penser, lui le rude militaire, d'un inconnu qui lui demande de le serrer dans ses bras. Pourtant ce geste de fraternité et de respect, combien d'Algériens l'ont éprouvé quand Nezzar et quelques autres ont pris leurs responsabilités pour mettre fin à la vague qui allait noyer le pays ! En ce temps-là, et les contempteurs aux doubles nationalités, aux triples domiciles et aux quadruples comptes bancaires, ici là-bas et ailleurs, ceux-là qui ont des mines de vierges effarouchées et qui crient au loup aujourd'hui, où seraient-ils sans Nezzar ? Bien sûr Nezzar n'est pas un saint, bien sûr il y a eu des bavures, bien sûr il y a eu des milliers de disparus dont les proches cherchent désespérément la trace. Je compatis et je demande avec eux justice. Mais pas au point d'être aveuglé en confondant le bouclier avec le glaive, la main qui défend avec celle qui pourfend. Je me rappelle qu'il faisait nuit à Alger. Nuit rouge, nuit sang. Et si aujourd'hui montent des kheimates les rires des uns et des autres, les danses des uns et des autres, le narguilé des uns et des autres, croyez-moi ce n'est pas le fait des timorés qui aiment discourir. C'est parce qu'il y a eu Nezzar. On lui doit tous quelque chose. À défaut de l'aimer, il faut le respecter. À défaut de le respecter, il faut se taire. Comme on s'est tu quand les islamistes nous découpaient en morceaux. N'était Nezzar et ses pairs... H. G. [email protected]